En France, aux Etats Unis,
même déni du droit à la santé dans les prisons,
même acharnement inhumain et dégradant à l’égard des prisonniers
La Fondation Frantz Fanon dénonce la façon dont certains Etats, entre autres la France et les Etats Unis, traitent leurs prisonniers politiques et plus généralement la population carcérale. Ces deux pays, pourtant, se prétendent les parangons de la démocratie et des droits humains. N’oublions pas « que les prisonniers politiques, où que ce soit, sont une des données de la répression et un des moyens trouvés par les dominants pour imposer un nouvel ordre mondial qui lutte contre l’ensemble des peuples afin d’assurer la financiarisation et la marchandisation du monde. (…) Ce qui est commun à l’ensemble des prisonniers politiques est le fait que leurs droits fondamentaux leur sont refusés, niés».
N’oublions pas que « la lutte des prisonniers politiques est notre lutte. Le droit à la résistance et à la liberté d’expression de toutes celles et de tous ceux qui, enfermé-e-s, revendiquent le respect et l’effectivité des droits pour l’ensemble des peuples du monde et par-dessus tout le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, fait partie des normes de base devant s’imposer à toutes et tous[1] ».Faut il rappeler la Constitution de l’OMS qui précise que « la possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout Être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale.»[2] ?
En France, la situation de Josu Urrutikoetxea[3], prisonnier politique basque, est alarmante, s’il ne peut recevoir les soins indispensables à son état. Etre maintenu à la Santé, «prison la plus moderne de France[4]», selon la directrice de l’établissement, Christelle Rotach, ne garantit pas au détenu malade un accès aux soins appropriés à son état de santé. Josu Urrutikoetxea, arrêté[5] à Sallanches par la DGSI, dans un hôpital public, alors qu’il y était soigné pour une pathologie nécessitant une opération chirurgicale d’urgence, n’a toujours pu être opéré et est maintenu à la prison de la Santé sans recevoir les soins adéquats à sa situation. Pourtant, le juge des libertés avait préconisé[6], à l’instar des professionnels de santé, qu’il soit opéré dans les plus brefs délais afin que son état de santé soit compatible avec une mesure de privation de liberté. A l’heure actuelle ce n’est pas le cas ; Josu Urrutikoetxea est soumis, au regard de l’incurie des autorités pénitentiaires et de l’inertie de la justice, à « une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à sa détention », article 3[7] de la Convention européenne des droits de l’homme, interdisant les traitements inhumains ou dégradants.
La Fondation Frantz Fanon engage chacun et chacune à signer l’Appel demandant la libération de Josu Urritikoetxea.
Lire la tribune dans Le Monde de Gerry Adams (Sinn Féin) & Ronnie Kasrils (ANC)
Aux Etats Unis, Mumia Abu Jamal, prisonnier politique des Etats Unis, ne peut être opéré de la cataracte affectant ses deux yeux, ce qui risque très rapidement de le priver définitivement de la vue.
L’administration pénitentiaire de Pennsylvanie s’y oppose ; tout comme elle avait lutté agressivement pour que Mumia ne reçoive pas le traitement dont il avait besoin pour lutter contre l’hépatite C, contractée à l’hôpital à la suite d’une transfusion sanguine, alors qu’il avait été blessé au dos lors de son arrestation en 1982. Doit-on comprendre que cette administration cherche à faire taire, par tous les moyens, celui qui n’a jamais cessé, libre ou enfermé, d’être la Voix des Sans Voix ? Pense t elle qu’aveugle, Mumia Abu Jamal ne pourra plus sauter les murs de la prison de Frackville grâce à ses livres interrogeant notre monde aliéné et aliénant ?
La Fondation Frantz Fanon a signé la pétition pour que le droit à la santé de Mumia soit effectif afin qu’il ne se trouve pas, du fait de l’incurie et de l’inertie volontaire des autorités pénitentiaires, face à une situation inhumaine et dégradante, et plus généralement pour ce droit à la santé soit accessible à tous, dans l’ensemble des prisons nord américaines, et particulièrement aux personnes âgées qui, selon le Bureau des statistiques de la Justice, représentent plus 130 000 personnes sur les 2,1 millions emprisonnées. Leurs pathologies spécifiques ne sont jamais prises en compte et elles subissent, de fait, des traitements inhumains et dégradants.
Face à leur population carcérale, et particulièrement face à
ceux qui sont emprisonnés pour des raisons politiques, les Etats et
particulièrement la France et les Etats Unis ne chercheraient ils pas à commettre,
une fois encore, « un crime qui touche l’humain dans son intégrité ontologique –dans sa dignité »[8] , car emprisonnée
leur « victime est sans défense[9] »?
[1] Mireille Fanon Mendes France, http://fondation-frantzfanon.com/journee-internationale-des-prisonniers-politiques/
[2] Constitution de l’organisation mondiale de la santé, adoptée par la Conférence internationale de la Santé, tenue à New York du 19 juin au 22 juillet 1946, signée par les représentants de 61 États le 22 juillet 1946 (Actes off. Org. mond. Santé, 2, 100), entrée en vigueur le 7 avril 1948
[3] Membre historique de l’organisation séparatiste Euskadi ta Askatasuna et ancien député du Parlement basque pour Euskal Herritarrok. https://www.sudouest.fr/2019/06/19/eta-a-peine-libere-josu-urrutikoetxea-de-nouveau-arrete-en-vertu-d-une-demande-d-extradition-espagnole-6232303-10280.php
[4] Ré-ouverte, après 4 ans d’aménagement, en janvier 2019
[5] 16 mai 2019
[6] 17 mai 2019
[7] Article 3, Convention européenne des droits de l’homme, interdisant les traitements inhumains ou dégradants, et impose à l’État de s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate, notamment par l’administration des soins médicaux requis (…) » (Kudła c. Pologne, arrêt (Grande Chambre) du 26 octobre 2000, § 94).
[8] Arendt Hannah, L’impérialisme (1951), Paris le Seuil, 2002, cité par Norman Ajari, La dignité et la mort, Ethique et politique de la race, La Découverte, février 2019, p.77
[9] Idem