Un appel international [1] demandant l’abrogation de cette loi anticonstitutionnelle et scélérate a été lancé en octobre, la Fondation Frantz Fanon l’a signé.
Signez-le ; faites le signer : http://www.bringmumiahome.com/
Mumia Abu Jamal, pour toutes celles et tous ceux qui résistent aux discours de propagande et aux manipulations, est un homme debout qui ne recule devant aucun obstacle. Pour tous ceux qui estiment faire partie de l’axe du bien, de la bien-pensance et de la doxa ultralibérale Mumia Abu Jamal fait frémir d’indignation. Ceux-là n’ont de cesse de le réduire au silence et de demander un nouveau procès pour réclamer, une fois encore, la peine de mort.
En septembre dernier, alors qu’il avait été invité, par des étudiants, à clôturer l’année universitaire du Goddard College [2], Mumia avait évoqué, avec émotion et poésie, les années [3] qu’il y avait passées et celles [4] pendant lesquelles il avait obtenu son diplôme. Ces années entre les murs de haute sécurité de la prison de Greene où il est resté, durant 29 ans, totalement isolé dans le couloir de la mort [5] avant d’être transféré dans la prison de Frackville -après que sa peine de mort a été commuée en peine d’emprisonnement à vie sans aucune liberté sur parole-. L’ensemble de ses années à Goddard College ont « éveillé en » lui « la passion d’apprendre ».
Les soutiens du policier -William Faulkner-, qu’il est accusé avoir tué, alors qu’il a toujours clamé son innocence et qu’il y a eu un certain nombre de dysfonctionnements juridiques, se sont élevés contre cette voix libre qui sait se faire entendre et que l’on écoute, quelle que soit sa provenance.
En quelques jours, les partisans d’un ordre basé sur la violation du droit à la liberté d’expression ont mené campagne. Le syndicat, Fraternal Order of Police [6], auquel appartenait William Faulkner a fait de Maureen Faulkner –femme de William- son égérie et l’a propulsee en première ligne dès qu’il s’agit de Mumia Abu Jamal et de revendiquer une révision du procès en vue de l’application de la peine de mort. Il appelait, par la voix de son Président [7], le Goddard College « on behalf of the 330,000 members of the Fraternal Order of Police, our families and the families of the fallen officers I urge—in the strongest possible terms—to rescind its invitation to this repugnant murderer”.
Alors que Mumia, depuis des années, s’exprime, une fois par semaine, entre autres sur Prison Radio [8], le discours [9] à Goddard College, a enflammé les milieux partisans de la peine de mort ; Maureen Faulkner a affirmé, lors d’une interview à CNN, que « It’s a disgrace that you have to even hear his voice. My husband has been dead for 32 years and his voice was taken from him by Abu-Jamal ».
Elle a essayé de faire interdire ce discours, appelant aussi bien la porte-parole du Goddard College mais aussi le service de presse du Département des Corrections [10] de Pennsylvanie, « We have tried to intervene but we have been told by the court that we can’t because we are disappointed that a college would choose to have a convicted murderer, especially a cop killer, be their commencement speaker, » lui a répondu, dépitée, l’attachée de presse du Département des Corrections, Susan McNaughton.
Pour toutes ces personnes et particulièrement pour Maureen Faulkner, Mumia Abu Jamal reste “(…) a despicable, callous, dangerous man and people try to put him on a pedestal and make him into something he is not. What can Abu-Jamal offer anyone after he so violently took my husband’s life ? »
Mécontents de n’avoir pu fait prévaloir leur toute puissance et l’idée qu’ils se font des droits inhérents à toute personne humaine, dont la liberté d’expression garantie par le Premier Amendement [11] de la Constitution américaine, ils ont mené campagne pour obtenir de l’Etat de Pennsylvanie une loi interdisant à l’ensemble des prisonniers de faire des déclarations publiques sur les crimes pour lesquels ils ont été condamnés. Cela vise, évidemment, Mumia Abu Jamal qui, selon eux, a perdu tous ces droits, ce que confirme Maureen Faulkner « He stepped out of society when he put a bullet between my husband’s eyes. Just as he took my husband’s freedom and life, he lost his rights. Why does he have constitutional rights ? My husband doesn’t have any. He is 6 feet underground ».
Mike Vereb, républicain de l’Etat de Pennsylvanie, a réussi, en procédure d’urgence à faire voter le projet de loi [12] « Revictimization Relief Act » ou plus communément nommé “Muzzle Mumia Law » visant à priver les prisonniers de leur droit à la liberté d’expression. Mais cette loi va plus loin puisqu’elle a aussi, dans sa ligne de mire, les soutiens des personnes emprisonnées, y compris leurs avocats.
Peu de temps après, le gouverneur de l’Etat, Tom Corbett, l’a signée malgré les oppositions de certains élus dont le sénateur, Daylin Leach, pour qui cette loi constitue « la plus extrême violation du Premier amendement de la Constitution car elle empêche tout prisonnier de s’exprimer sur toute question par crainte d’une poursuite civile en représailles ».
De nombreuses organisations de juristes et d’avocats ont réagi contre cette violation de la Constitution américaine, entre autres le directeur [13] du Law Abolitionist Centre pour qui « this illegal attack on our clients’ constitutional and human rights will be fiercely challenged in the streets and the courts” mais aussi un très grand nombre de soutiens à Mumia Abu Jamal. Tous dénoncent cette décision anticonstitutionnelle, dont Mumia Abu Jamal [14] lui-même qui, l’accueille avec une certaine ironie “Governor Corbett’s signature on an unconstitutional bill that proves that the government of Pennsylvania, the executive and the legislature, don’t give one wit about their own constitution of the Commonwealth of Pennsylvania, nor the United States Constitution” et souligne que “they are the outlaws”.
Ce 10 novembre, s’est ouvert, à Pittsburgh, le procès introduit par des organisations [15] des droits humains d’une part au nom de Mumia lui-même et d’autre part en leur nom propre. Les juges devront répondre à cette question que pose Mumia, “how can the state’s legislators pass and politicians sign the recent law described as the ‘Muzzle Mumia Act’” alors qu’ils savent qu’ils violent sciemment et volontairement la Constitution des États-Unis, celle de l’État de Pennsylvanie mais aussi le serment qu’ils ont pris de tout faire pour ne pas les violer ?
Depuis plus de 30 ans, Mumia Abu Jamal voit ses droits civils et politiques niés, violés. A l’heure actuelle, l’Etat de Pennsylvanie tente de le réduire au silence [16] et de le museler mais depuis son premier procès, ses droits à un procès juste et équitable et à être entendu n’ont pas été respectés. Dès lors n’y a t-il pas eu, pendant le premier procès, une inobservation, totale ou partielle, des normes internationales relatives au droit à un procès équitable, énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, dans la Convention interaméricaine des droits de l’homme et dans les instruments internationaux pertinents ?
Dès lors, n’est-il pas légitime de questionner la privation de liberté dont est victime Mumia Abu Jamal car ne violerait-elle pas certaines normes internationales pertinentes énoncées aussi dans la Déclaration universelle des droits de l’homme ou dans les instruments internationaux ratifiés par les États-Unis ?
Mumia Abu Jamal ne pourrait-il pas saisir le Comité des droits de l’Homme ou la Cour Interaméricaine des droits de l’homme au titre des articles 8 [17] et 25 [18] ?
Cette privation de liberté qu’il subit depuis décembre 1981 ne revêt-elle pas un caractère arbitraire ?
Ne pourrait-il pas être fait référence à la décision de la Cour interaméricaine des Droits de l’Homme qui, confrontée à une affaire [19] de détention arbitraire en contravention de l’article 7 de la Convention américaine des droits de l’homme, a conclu, après révision de la preuve, que la victime, soumise à un enfermement excessif, a souffert de violences psychologiques durant sa détention ? Or, la vulnérabilité exacerbée de l’individu placé dans une telle situation engendre “a real risk that his other rights, such as the right to humane treatment and to be treated with dignity, will be violated [20]”.
Ainsi, le confinement de Mumia Abu Jamal en cellule isolée, sans aucun contact avec d’autres détenus, pendant 30 ans, crée une souffrance psychologique équivalant à la torture dont la pratique est interdite [21].
La Cour interaméricaine des droits de l’homme affirme, après avoir passé en revue les instruments internationaux et régionaux relatifs à l’interdiction de la torture ainsi que les pratiques des systèmes onusien et européen, « that torture is strictly prohibited by international human rights law. The prohibition of torture is absolute and non-derogable, even in the most difficult circumstances, such a war, the threat of war, the fight against terrorism, and any other crime, martial law or state of emergency, civil war or commotion, suspension of constitutional guarantees, internal political instability, or any other public disaster or emergency [22]”.
Le droit à l’intégrité personnelle de Mumia Abu Jamal ainsi que celui de ses proches est-il garanti alors qu’il est toujours en prison, sans réelles et tangibles preuves ?
« La moindre injustice, où qu’elle soit commise, menace l’édifice tout entier ».
Martin Luther King
Version en Français sous le Transcript of Mumia Abu-Jamal’s Goddard College CommencementSpeech http://www.prisonradio.org/sites/de…
10/4/14
Dear Fellow Goddard-ites, Students, Graduates, Parents, Professors :
I thank you for your kind invitation to join you in voice today. I’ve been away from Goddard College perhaps longer than most of you have been alive.
I last walked on campus during the late 70’s. But although it was undoubtedly quite a long time ago, it still sits in memory, and sometimes even visits in dreams of the funky atmosphere that suffused the campus like a cloud of exhaled marijuana smoke. What really moved me however, was the green life, the abundance of grass, trees standing like ancient sentinels. The majestic mountains of Vermont which possessed a beauty that was, to a guy from the city, simply breathtaking. I remember with crystal clarity walking through woods back to our dorms, Third World Studies, and feeling pure rapture in the presence of those trees. How many centuries had those trees stood on this earth ? My mind looked back to Indians who must’ve trod through these very same woods ; my steps touching the ground that once crunched under their moccasined feet. Not only have these surviving remnants of their once great numbers been vanished from the land of their fathers, but the reverence with which they held these lands, their collective embrace of Mother Earth, has been vanished as well.
That living immensity, more sacred than anything built by man, has never left me and rises up like a phoenix whenever I think of the campus. But of course what really matters here is not my experience, but yours. This is your commencement and as such, I will dwell on the world that you are about to enter into – in habit, and true to Goddard’s founding ideals, hopefully transform.
As we all know Goddard is rightfully famous for its non-traditional teaching methods focus. Here students stand at the center of the educational endeavor and they are urged and expected to follow that vibe in their hearts. That which gives them passion to determine not just what they will study, but how those studies can have impact and meaning in the larger society – Y’know, this aint a cookie cutter school.
Goddard, deeply influenced by the ideas of John Dewey (1859- 1952), strives to reach that happy and singular medium between the teacher and the taught. With one exploring with the other how best to achieve a meaningful resolution to questions that arise in the life of the mind. Quoting Dewey : “Education is not preparation for Life. It is Life itself.”
Dear graduates, never have words such as these been truer to the hour that is upon us. For the nation is in deep trouble – largely because old thinking both domestically, and globally, has led us into the morass that the nation now faces. Which may be encapsulated by references to place names that ring in our minds : Gaza, Ferguson, and Iraq – again ! These are some of the challenges that abide in the world, which it will be your destiny to try to analyze and resolve. As students of Goddard you know that these challenges are not easy, but they must be faced and addressed.
The Brazilian scholar Paulo Freire, and his groundbreaking Pedagogy of the Oppressed posits the power of literacy to transform psychology, to deepen and broaden ones place in the world. Moreover, when one seeks to interrogate ones radical beliefs, it draws one deeper into contact with the meaning of social change and social transformation. One is changed ; the prerequisite to social change.
Goddard, because of its size and orientation, has given students the time and attention to find the focus to answer questions that few other places have even dared to entertain. In many ways it is issues such as these that make Goddard, Goddard. Questions of power, of politics, of race, of gender, of place. Questions about where one stands in the world, and how to move, act, interact in a world awash in complexity. Essentially how does a young person, or for that matter even an older one, looking at the vast wide world with a quiet sense of terror have a voice amidst that monstrous din ? How does she find that voice that can create space to think ? To be ? To grow ?
We know that it must come from the place within – that which moves you, that which stirs you. That which is your truest, deepest self. Goddard, unlike most such institutions of higher learning, quietly asks that you listen to and interrogate that voice, and when appropriate, amplify it. For who knows ? Within that deepest you may dwell the very voice that is resonating within the nation if not the very world itself. Here social change and social transformation forms the raison d’etre of Goddard.
We need new questions for the world of the 21st century. But more importantly we need new answers. We live in a world where massive wars can be launched by rumors and innuendo. Where the material interests of corporations are superior to the interests of working people, and remember – corporations are people – so sayeth the Supreme Court. Where the ecological threats to fresh water supplies, clean air, and the environment in American cities, pulls challenges that seem beyond arcane.
Did I not say that we need new thinking ? The present social, political, ecological and global course is, to say the least, unsustainable. Perhaps some of you, new graduates of Goddard, will think up ways to forestall some of the challenges facing the living and generations unborn.
I noted earlier my reverie in the woods of Goddard that exquisite freshness and the wintery air, the nighttime respiration of hundreds of magnificent evergreen trees has refreshed my mind even when miles and decades away from Goddard’s sweet cool earth. Our cities, built during the heights of the industrial age and now engulfed in post-industrial ennui badly need a greening. Areas should be set aside where children and mothers can breathe and remember air loaded with freshness delivered by green life, not air conditioned. Think of the myriad of problems that beset this land and strive to make it better. That’s Dewey’s vision, and Goddard’s.
Let me say something that I’ve never said before. When I came to Goddard, I was intimidated. Although teachers and adults told me that I could do the work, I rarely believed them. I felt woefully unprepared. But guess what ? Goddard gave me confidence and I never lost that feeling. When I returned to Goddard many years later, I was a man on Death Row, with a date to die. I was able to transfer credits from Continuing Education and my final paper utilized the writings of Franz Fanon and Ignacio Martín Barό, to examine the concepts of both in liberation psychology and liberation theology. Only at Goddard. Only at Goddard !
Goddard reawakened in me my love of learning. In my mind I left Death Row to travel to France, where Fanon studied psychiatry. And on to Blida hospital, north of Algiers, where he practiced and later joined the Algerian revolution. By studying Martín Barό, I traveled to El Salvador, where he worked as a priest and psychologist, teaching literacy to peasants when the nation groaned under military terror, supported by El Norte, the U.S. Empire. Who were these figures ? Well, Fanon was born in the Caribbean Island Martinique, then a colony of France. When he witnessed the oppression of the Arabs in Algeria he felt compelled to join the revolution on the side of what he called ‘the wretched of the earth.’ Ignacio Martín Barό was among six Jesuit priests, a housekeeper and her daughter slain by the U.S. trained Atlacatl Battalion, a notorious Salvadoran death squad.
Goddard supported those “trips abroad,” if only in the mind, and I thank the school and many of my friends and alums there immensely for opening a door closed for decades. Goddard allowed me to really study what interested and moved me – revolutionary movements, and through that doorway – history, psychology, politics, and of course economics. In one of the most repressive environments on earth, Death Row, Goddard allowed me to study and research human liberation and anti-colonial struggles on two continents : Africa and Latin Central America. I thank you for that grand opportunity.
For you graduates, your studies – visits to lands beyond your own – were done to give you both insights and confidence to work in the world, to try to create social change. Your job isn’t how to get a job. It’s to make a difference. I thank my friends at Goddard for inviting me back.
If it’s done for you half of what it’s done for me, I assure you, you will have been well served. Now take what you know and apply it in the real world. Help be the change you’re seeking to make.
I thank you all.
For the class of 1996, Goddard, this is Mumia Abu-Jamal.
Version française assurée par le Collectif français de soutien à Mumia Abu Jamal
Discours de Mumia Abu-Jamal lors de la remise des diplômes aux étudiants de l’Université de Goddard
Chers étudiants, jeunes diplômés, parents et professeurs de l’Université de Goddard,
Je vous remercie de votre aimable invitation à me joindre à vous aujourd’hui pour prononcer ce discours de fin de cursus universitaire. J’ai quitté l’Université de Goddard alors que la plupart d’entre vous n’étaient sans doute pas encore nés.
La dernière fois que j’ai parcouru ce campus c’était à la fin des années 70. Mais bien que de nombreuses années aient passé, ce souvenir reste figé à jamais dans ma mémoire et continue de hanter mes rêves : le souvenir d’un campus extraordinaire embué d’effluves semblables à celles de la marijuana. J’ai été bouleversé par la verdeur des paysages et des pelouses à perte de vue, de ces grands arbres se dressant comme autant de sentinelles immuables. Les montagnes du Vermont sont d’une beauté à vous couper le souffle, du moins pour quelqu’un qui, comme moi, a grandi dans une cité. Je me souviens avec précision du chemin à travers bois qui conduisait aux dortoirs, des conférences sur ces nouvelles nations en voie de développement, et de mon pur ravissement face aux forêts splendides. Depuis combien de siècles ces arbres se dressent-ils sur notre terre ? J’imagine les Indiens parcourant ces mêmes forêts tandis que mes pieds foulaient un sol qui a crissé sous leurs mocassins. Non seulement nous n’avons plus trace de ces nombreux peuples, chassés de la terre de leurs ancêtres, mais avec eux ont disparu l’amour et le respect qu’ils prodiguaient à cette terre, l’étroite relation qu’ils entretenaient avec la mère nourricière, la nature qu’ils vénéraient.
Le souvenir de ces immensités vivantes, plus sacrées que tout monument humain, ne m’a jamais quitté. Chaque fois que je pense à ce campus elles se dressent tel le phénix. Mais l’essentiel aujourd’hui ce n’est pas mon expérience mais la vôtre. C’est le jour de votre remise de diplômes et je vais vous parler, par habitude et fidélité à l’utopie qui a engendré l’Université de Goddard, de ce monde dans lequel vous allez entrer, un monde qui je l’espère vous saurez changer.
Comme nous le savons tous, la renommée de Goddard repose sur sa pédagogie originale, qui est un lieu où les élèves sont le moteur de l’apprentissage et où ils sont incités à suivre leur passion. Ceci conditionne leurs choix universitaires qui ne se limitent pas à un apprentissage mais qui aura aussi un impact et du sens dans la société où ils vont vivre. Vous savez que ce n’est pas un lieu qui clone ses étudiants. Goddard, profondément influencé par les idées de John Dewey (1859- 1952), cherche à atteindre un équilibre entre l’enseignant et l’enseigné. Ils cherchent ensemble comment réussir au mieux à répondre aux questions sociétales et philosophiques. Dewey disait : « L’éducation ce n’est pas une préparation à la vie. C’est la vie elle-même ».
Chers diplômés, ces mots n’ont jamais été aussi forts qu’aujourd’hui car notre nation est en grande difficulté, principalement en raison de sa politique réactionnaire tant à l’échelle du pays qu’au niveau international, ce qui nous a conduit au marasme que nous connaissons et qui a pour noms Gaza, Ferguson, et l’Irak à nouveau ! Autant de lieux qui résonnent dans notre tête. Voici quelques-uns des défis mondiaux que vous aurez à relever. Etudiants de Goddard, vous savez que ces défis ne sont pas faciles à relever, mais qu’ils ne peuvent pas être ignorés.
Le savant brésilien Paulo Freire, et sa pédagogie révolutionnaire (Pédagogie pour les Opprimés) postule que seul l’accès à l’éducation peut transformer le mode de pensée et aider à comprendre le monde. De plus, ce n’est qu’en remettant en cause ses propres certitudes de façon radicale, que l’on peut être en phase avec le sens de l’évolution et de la nécessaire transformation sociale. On devient différent, condition préalable pour faire changer le monde.
Goddard, en raison de ses choix pédagogiques, offre aux étudiants un temps de réflexion pour résoudre des problèmes rarement discutés. À bien des égards, c’est ce qui fait que Goddard est Goddard : savoir discuter d’enjeux politiques et nationaux, ethniques et sociologiques, de sexisme et d’orientations sexuelles, de réfléchir à la place de chacun dans le monde et de son interaction face à un univers d’une complexité infinie. Et surtout comment des jeunes, et bien sûr des « moins jeunes », effrayés par ce vaste monde, peuvent faire entendre leur voix en toute quiétude au sein de ce vacarme effroyable ? Comment cette voix peut-elle se créer un espace de vie, de réflexion, d’existence et de croissance ?
Nous savons que cela doit venir du plus profond de soi, de ce qui vous émeut ou vous passionne, de ce qui est votre être le plus intime, le plus authentique. Goddard, contrairement à la plupart des universités, vous demande d’écouter tranquillement cette voix, de l’interroger, voire de l’amplifier. Et qui sait si elle ne trouvera pas un écho national, voire mondial. Le changement et l’évolution sociale constituent la raison d’être de Goddard.
Nous avons besoin de nouvelles problématiques pour le monde du 21ème siècle et, encore plus vital, nous devons fournir de nouvelles solutions. Nous vivons dans un monde où rumeurs vraies ou fausses peuvent déclencher de grandes guerres ; un monde où les intérêts des lobbies passent avant les intérêts des travailleurs et souvenez-vous que, selon la Cour Suprême, ces grandes sociétés internationales sont des personnes « morales » ; un monde où il faut faire face aux catastrophes écologiques, le risque de manquer d’eau potable, la pollution de l’air et de l’environnement nocif des villes américaines qui sont autant de défis incontournables.
N’avons-nous pas besoin de nouvelles façons de penser ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que la pensée sociale, politique, écologique et globale n’est pas durable ! Aussi, peut-être certains d’entre vous, les nouveaux diplômés de Goddard, sauront comment relever les grands défis de la vie d’aujourd’hui et de demain.
Je le répète, mes rêveries dans les bois de Goddard, cette fraîcheur exquise de l’air hivernal, la respiration nocturne de centaines d’arbres magnifiques à feuilles persistantes continuent à m’apaiser l’esprit, alors même que je suis à des kilomètres et des décennies de la terre fraîche et douce de Goddard. Nos villes, construites pendant la période faste de l’ère industrielle, sont désormais englouties dans « l’ennui » post-industriel et ont un besoin urgent d’être reverdies. Il faudrait aménager des zones où les enfants et leurs mères puissent respirer et se rappeler le souffle du grand air vivifiant et non pas de l’air climatisé. Pensez à la myriade de problèmes qui assaillent ce pays et efforcez-vous de faire mieux. Voilà la vision de Dewey, et Goddard.
Permettez-moi de dire quelque chose dont je n’ai jamais parlé jusqu’à ce jour. Quand je suis arrivé à Goddard, j’étais très intimidé. Bien que les enseignants et mon entourage m’aient dit que je pouvais réussir, je ne les croyais guère. Je me sentais terriblement mal préparé. Mais devinez quoi ? Goddard m’a donné confiance et c’est un sentiment qui ne m’a jamais quitté depuis. Je suis revenu à Goddard, de nombreuses années plus tard, condamné à mort et avec une date d’exécution. J’ai cependant pu faire valider mes unités de valeur par le biais du programme de formation permanente, reprendre mes études et rédiger mon mémoire en reprenant les écrits de Franz Fanon et Ignacio Martín Barό sur l’émancipation par la psychologie et la théologie. Il n’y a qu’à Goddard où on puisse faire cela. Seulement à Goddard !
Goddard a éveillé en moi la passion d’apprendre. Par l’esprit, j’ai quitté le couloir de la mort pour me rendre en France, où Fanon a étudié la psychiatrie, et à l’hôpital de Blida, au nord d’Alger, où il l’a pratiquée avant de rejoindre la révolution algérienne. En étudiant Martín Barό, je me suis rendu au Salvador – toujours par l’esprit – où il a travaillé en tant que prêtre et psychologue pour contribuer à l’alphabétisation des paysans quand la nation gémissait sous la terreur militaire soutenue par El Norte, représentant de l’Impérialisme Américain. Qui étaient ces personnages ? Eh bien, Fanon est né dans une île des Caraïbes, La Martinique, qui était alors une colonie française. Quand il a vu combien étaient opprimés les arabes d’Algérie, il a ressenti l’urgence de se joindre à la révolution avec ceux qu’il appelait « les damnés de la terre ». Ignacio Martín Barό fait partie des six prêtres jésuites, ainsi qu’une femme de ménage et sa fille, tués par l’escadron Atlacatl, entraîné par les Américains, un escadron de la mort salvadorien.
Goddard a soutenu ces « voyages à l’étranger », même s’ils n’étaient que spirituels, et je remercie l’université, tous mes amis et tous les étudiants de m’avoir ré-ouvert une porte fermée depuis des décennies. Goddard m’a permis d’étudier ce qui m’intéresse et me passionne le plus – les mouvements révolutionnaires – et par ce biais l’histoire, la psychologie, la politique, et bien sûr l’économie. Dans l’un des lieux les plus répressifs de la planète, le couloir de la mort, Goddard m’a permis de faire des recherches sur l’émancipation des peuples et des luttes anticoloniales de deux continents : l’Afrique et l’Amérique centrale. Je vous remercie pour cette rare opportunité.
Pour vous, jeunes diplômés, vos études – vos voyages en terre inconnue – vont vous apporter des connaissances nouvelles et la confiance nécessaire pour travailler dans ce monde, pour tenter de créer un monde nouveau. Votre travail ne limitera pas seulement obtenir un emploi, ce sera aussi le moyen de faire entendre une certaine différence.
Merci mes amis de m’avoir fait revenir à Goddard.
Si cette université vous apporte ne serait-ce que la moitié de ce qu’elle m’a apporté, je vous assure que ce sera déjà beaucoup. Maintenant, retenez quelques-uns des principes que vous avez appris et appliquez-les au monde réel pour contribuer aux changements que vous souhaitez voir s’accomplir.
Je vous remercie tous.
Mumia Abu-Jamal, de la promotion Goddard 1996
Notes
[1] Pour lire l’appel, se reporter au site suivant : http://www.bringmumiahome.com/
[2] Situé dans le Vermont
[3] Années 1970
[4] Promotion 1996
[5] Condamné à la peine de mort en 1982
[7] Chuck Canterbury
[8] http://www.prisonradio.org/media/au…
[9] On peut le lire à la suite de ce texte ou l’écouter en suivant le lien
[10] Les prisonniers sont normalement autorisés à téléphoner à des personnes dont le nom a été approuvé par les autorités
[11] “Congress shall make no law respecting an establishment of religion, or prohibiting the free exercise thereof ; or abridging the freedom of speech, or of the press ; or the right of the people peaceably to assemble, and to petition the Government for a redress of grievances.
[12] PA Senate Bill SB508 voted on 10/16 and House Bill HB2533 on the 10/15
[13] Bret Grote
[14] 17 octobre 2014, émission broadcast at Prison Radio
[15] Abolitionist Law Center, Amistad Law Project, the Roderick and Solange MacArthur Justice Center représentent Mumia Abu-Jamal ; les organisations suivantes se sont joint à la procédure Prison Radio, Educators for Mumia Abu-Jamal, Kerry “Shakaboona” Marshall, Robert L. Holbrook, Human Rights Coalition
[16] Articles 13.1, 13.2 ; Convention américaine des droits de l’Homme
[17] Droit à un procès équitable ; Convention américaine des droits de l’homme
[18] Protection judiciaire, Convention américaine des droits de l’homme
[19] Case of Maritza Urrutia v. Guatemala, para. 89
[20] The Inter-American Court of Human Rights : Case Law and Commentary, Laurence Burgorgue-Larsen et Amaya Ubeda de Torres
[21] article 5 (2) de la Convention Américaine des Droits de l’Homme
[22] Case of Maritza Urrutia v. Guatemala, para. 89. Voir également Case of Baldeón-García v. Peru