Les Libertés démocratiques et la justice sociale contre le terrorisme et l’autoritarisme sécuritaire

Mireille Fanon-Mendes-France
Fondation Frantz Fanon

Après cette terrible semaine, mes pensées, comme celles de beaucoup, sont pour tous ceux qui sont morts, pour leurs familles, leurs amis et collègues. Pour ceux qui ont été tués, victimes et terroristes. Oui, je ne peux pas ne pas aussi penser à eux, à leurs familles et amis, à ceux qui les ont connus [1]. Pour ce que ce pays est devenu et est en train de devenir. Pour la désignation, urbi et orbi, à la vindicte publique de personnes qui se battent pour une réelle justice sociale et contre l’expression de toutes les formes de racisme, dont le racisme anti-noir, antimusulman mais aussi le racisme antijuif et de ceux qui refusent l’exclusion, la marginalisation, l’essentialisation et la stigmatisation.

On ne peut que s’inquiéter de cette « union nationale », convoquée dans un élan unanime, émotionnel, qui a parcouru les artères et les places publiques de nombreuses villes de France mais aussi bien au-delà. Que penser de cette union inconditionnelle convoquée par des milieux dont les discours de haine et d’exclusion ouvrent la voix aux pires dérives. On a ainsi vu d’anciens ministres jeter en pâture le nom de groupes politiques honorables ou de militants humanistes qui dénoncent l’ensemble des dérives sectaires, racistes portées par différents gouvernements depuis l’arrivée des socialistes au pouvoir en 1981. Est-ce ainsi que se construit une réelle unité nationale ? Si tant est que cette unité soit pertinente quand on sait à quels moments elle réfère [2].

Mais ce dimanche, il fallait être du bon « côté » identifié par les media et ceux qui nous gouvernent. Toute autre voix étant impossible, toute nuance de fait interdite ; le seul terme du contrat médiatique et politique étant celui de l’adhésion acritique au récit officiel. Cette communion devait agir comme une catharsis avec une fonction édifiante ; elle risque d’être déclinée pendant plusieurs semaines, tant les crimes, par leur nature et leur ampleur, interpellent différents niveaux de la société française.

Elle l’a été, le jour où le Premier Ministre s’est adressé aux députés qui l’ont accueilli, debout, en entonnant d’une seule voix la Marseillaise. Cet hymne guerrier était, à ce moment, le signe de ralliement d’une partie du corps législatif en fusion avec l’exécutif pour la guerre. Mais de quelle guerre est-il question ?

La réalité et l’idéologie dominante ont la vie dure. Ce discours n’a pas maintenu le besoin ressenti d’une purgation émotionnelle. Les annonces et le ton du premier-ministre lancent la société française, avec entre autres « la France est en guerre » dans une guerre imprécise du bien contre le mal, des uns contre les autres… Evoquant la formule de Georges W. Bush, au lendemain du 9 septembre 2001, qui affirmait que les Etats-Unis entraient « en guerre contre la terreur ».

La guerre impérialiste, horizon de l’occident en crise

Nous ne pouvons que constater que, depuis quatorze ans, ce sont les populations civiles irakienne, afghane, et plus récemment syrienne, libyenne et malienne…qui paient le prix fort de cette guerre contre la terreur. Une guerre ou les amis d’hier sont les ennemis d’aujourd’hui dans une étrange surenchère de trahisons et de prétextes éventés. Mais sans le moindre mot de compassion, sans la moindre excuse lorsque les frappes (chirurgicales comme il se doit et donc très civilisées) déciment une famille entière réunie pour célébrer un mariage. Sans un mot pour les 200 000 victimes de la guerre qui ravage la Syrie depuis trois ans. Sans le moindre regret pour la destruction de la Libye et la descente aux enfers du peuple Libyen. La population française va-t-elle, à son tour, payer le prix de cette guerre impériale éternelle au prétexte de protéger les intérêts des happy-fews qui portent sur la France « d’en bas » – ainsi la nomment ils – un regard condescendant ? Cette France des classes « dangereuses » que les médias dissimulent est celle, déjà exclue, qui est directement touchée par les politiques de restrictions budgétaires. Celle qui est éloignée des centres villes dévolus au luxe et aux banques, par les politiques d’exclusion sociale, économique, culturelle, éducative et politique. Cette France d’en bas et d’ailleurs est montrée du doigt lorsque des voitures brulent ou que des jeunes à l’esprit embrasé par l’inaction, ont pour seul espoir de rester là, adossés aux murs de leurs cités.

Manque d’empathie certainement mais aussi une forme de cynisme que l’on a pu éprouver lors de l’agression israélienne au Liban en 2006 ou dans la Bande de Gaza en 2009, en 2012 et encore en 2014. Toutes manifestations de solidarité, toute demande de ne violer ni le droit international ni le droit international humanitaire, étant suspectes par définition, car elles seraient motivées par l’antisémitisme. Et toujours si peu de mots pour les victimes et leurs familles. Il ne s’agissait pas de 17 personnes mais de plus de 1 500 victimes, sans oublier les quelque 4 000 blessés, dont certains sont morts des suites de leurs blessures.

Du cynisme construit sur l’arrogance occidentale qui continue de proclamer partout, qu’au regard de sa culture, de son modèle dit démocratique, des valeurs et des principes qu’elle porte, rien ni aucune autre culture ne peut l’égaler, même si par le maniement de l’injonction paradoxale qu’elle utilise à tout venant, elle prétend le contraire !

Ceux qui ont surfé sur l’unité nationale sont, en définitive, incapables d’empathie, de rencontre et de partage, convaincus que « les autres » – personnes d’origine africaine, Africains, musulmans, arabes, Roms, migrants, jeunes, pauvres – sont le problème et qu’ils doivent être contenus, contrôlés ou, selon Netanyahou, déplacés et destinés à errer de pays en pays, ce qu’il appelle de ses vœux pour les Palestiniens. N’est-ce pas précisément ce qu’il préconise ? Le mieux étant, bien sûr, qu’ils partent d’eux-mêmes. Pour les forcer, toutes stratégies de terreur, de harcèlement, d’arrestation, de privation de libertés à grande échelle, d’apartheid hypocrite, non-dit mais institutionnalisé, sont légitimes et peu importe que cet Etat soit en grande délicatesse avec le droit international. Il est protégé par ses indéfectibles amis et alliés puisqu’il en va de la survie du monde « blanc ».

De l’exploitation cynique de l’émotion

En attendant que cette éventualité n’advienne, Naftali Bennet [3] trouve normal d’affirmer publiquement qu’il a « tué beaucoup d’Arabes dans (s)a vie ». Et qu’il « n’a aucun problème avec ça [4] ». Aucune réaction ; il ne s’agit pas briser le mur de la domination et de l’aliénation.

Cela rappelle que les tenants de l’apartheid étaient convaincus – au regard des idéologies découlant du « siècle des Lumières » et de la « modernité européenne » ayant émergé sous le pouvoir du christianisme – que les Africains n’étaient rien de plus que des sous-hommes. Combien d’années de résistance et de solidarité a-t-il fallu pour briser le mur de la honte ? Combien d’Africains du Sud ont-ils été tués par un pouvoir aussi violent et arrogant que l’est aujourd’hui celui de l’Etat d’Israël ?

Leur monde s’est levé, dans un seul élan d’exaltation comparable à celui qui fait s’enflammer un stade devant un but parfait, pour 17 victimes à Paris. Il serait plus juste de dire seulement pour 15 ; le policier ayant été bien peu mentionné, c’est vrai qu’il est musulman ; et la policière municipale encore moins, c’est vrai, qu’elle est d’origine africaine et de l’un des départements ultramarins de la République.

Pas un regard, pas un mot de la part de tous ceux et de toutes celles qui ont vanté l’unité nationale, pour les deux mille personnes tuées au Nigéria le lendemain de la tuerie de Charlie Hebdo et juste un jour avant celle du magasin Hyper Casher, c’est vrai qu’elles sont africaines et peut-être d’une religion animiste. Comme il ne dit rien sur les victimes qu’il fait en portant la guerre sans fin en des lieux où il n’a rien à faire au regard du droit international et des principes fondateurs de la Charte des Nations Unies.

Mais là encore, le cynisme prévaut parce que le plus important est la propagande qui consiste à prétendre frapper là où sont les « terroristes » pour éviter qu’ils n’arrivent aux portes de l’Occident. Cela rappelle étrangement ce qui se passait, lors des croisades, où pour mieux contrer l’invasion des barbares, des cohortes de chrétiens allaient les combattre sur leurs territoires !

Le seul objectif de ces élites recroquevillées sur leurs privilèges étant de surfer sur le populisme et de refuser de voir notre pays changer ; à son avantage, si nous acceptons de nous enrichir de chacun et chacune. Pour l’heure, ceux qui orientent, comme ceux qui exécutent cette politique, ont choisi de l’appauvrir, de l’amputer. Comment ne pas voir que ne sont pris en compte que sa partie blanche et les quelques « autres » qu’ils ont réussi à « intégrer » ou à « assimiler » en les soumettant à des lois de plus en plus xénophobes et liberticides et rendus silencieux par le poids de l’aliénation qui pèse sur leurs épaules.

Criminalisation des luttes politiques, amalgames et exclusions

Les autres, chemin faisant, deviendront des ennemis de l’intérieur et certains seront plus « ennemis » que d’autres. Et pour peu qu’ils commettent des actes faisant trembler l’entendement, ils seront renvoyés à leur pays d’origine, aussi lointaine soit elle. Ainsi des deux jeunes Kouachi assignés à l’Algérie – comme l’avait été Mohamed Merah – et de Coulibaly au Mali. Ces deux frères pourtant nés en France, enfants de l’assistance publique et donc de cette République iconique et sacralisée. On pourrait continuer la longue liste des personnes essentialisées et renvoyées au pays de leurs parents…quelle qu’en soit la raison. Les discussions portant sur leur lieu de funérailles est le reflet d’une société qui a perdu l’entendement et qui se laisse aller à des instincts primaires.

L’objectif étant de rendre invisible et de taire leur lien à la France. Il faut faire entrer dans l’inconscient collectif qu’ils sont « ennemis » de cette nationalité et que la guerre est déclarée, comme l’ont affirmé de nombreux leaders politiques ou intellectuels. Cette antienne a été reprise, ad libitum, par les représentants des media, qui, de ce fait, n’ont pas assumé leur devoir d’informer en toute objectivité. On peut pourtant être atterré et faire preuve de professionnalisme !

Le but étant de faire comprendre aux auditeurs, aux Français de souche et aux quelques « invités » à cette nationalité ou à ses futurs candidats que nulle position n’est acquise, que les statuts sont révocables et qu’il aisé de passer du statut de Français à part entière à celui d’ »ennemi » de l’intérieur ; l’étape ultime étant d’être catalogué de « terroriste ».

En ce sens, le discours du Premier Ministre [5] apparaît comme un avertissement et une menace qui concerne non seulement tous ceux qui manifesteraient trop ouvertement leur attachement à la religion musulmane ou qui, convaincus qu’il est possible de vivre dans un contexte où cette religion coexiste, se mobilisent contre l’islamophobie pour les droits civils [6]. Un avertissement et une menace aussi clairement adressés à tous ceux pour qui la solidarité internationale est un des principes politiques essentiels.

Ainsi seront dénoncés celles et ceux solidaires de la Palestine combattant depuis plus de soixante ans pour son droit inaliénable à l’autodétermination, pour un Etat libre et totalement indépendant. Celles et ceux solidaires des Basques, des Vénézuéliens qui risquent bientôt d’endosser le statut réservé, pendant plus de quarante ans, aux Cubains, des Sahraouis maintenus sous occupation marocaine, des Mahorais dont l’île est toujours otage de la France depuis 1974. Celles et ceux dénonçant les politiques découlant de la religion du marché imposée au continent africain et les relations coupables entre pays anciennement colonisés et leurs anciens, et toujours actuels, maîtres.

La solidarité en ligne de mire

Mais plus généralement seront montrées du doigt, toutes celles et tous ceux combattant le racisme structurel et institutionnel, questionnant la colonialité du pouvoir ou dénonçant la permanence du paradigme racialisant de l’organisation de sociétés. Ou, toutes celles et ceux se trouvant aux côtés des peuples se battant pour leur droit à leurs terres, contre les grands projets inutiles, l’exploitation des gaz de schiste, auprès des familles dont des membres ont été tués ou ont disparu… Celles et ceux qui se tiendront auprès des migrants ou des jeunes mineurs sans papier scolarisés, auprès des prisonniers politiques, auprès de celles et ceux victimes du profilage racial, auprès des femmes voilées, auprès de tous ceux et de toutes celles qui expriment la différence dans l’égalité et la non-discrimination. Une voix discordante mais une voix solidaire.

Ainsi, depuis quelques années, l’aide au séjour irrégulier est devenu un délit, « sauf s’il s’agit d’actions humanitaires et désintéressées [7] » ; ceux qui osent braver ce décret se retrouvent promptement accusés alors que ceux qui prônant le repliement identitaire, l’assignation à résidence, rendent la vie impossible à de trop nombreux hommes, femmes et enfants et sont encensés et vénérés par le capital.

Mais seront aussi dans le viseur du tout sécuritaire, toutes celles et tous ceux qui dévoileront les abandons successifs de l’Etat en matière de politique sociale et éducative ou qui interrogeront la responsabilité d’un Etat qui n’a de cesse de diviser pour mieux exploiter, d’infantiliser pour mieux dominer, de refuser d’analyser avec lucidité la situation économique et sociale au prétexte qu’elle serait trop complexe, préférant parfois le mensonge à l’objectivité. Il s’agit d’une injure faite à l’intelligence de tout un chacun.

Mais n’est-ce-pas une insulte à la mémoire des victimes que de défiler derrière un slogan vide de sens politique, sauf qu’il manifeste de la faiblesse de l’analyse épistémologique et politique de ce qui se joue en ces jours de basculement ? Alors oui, nous sommes nombreux à ne pas être aller « communier » en cet après-midi, en raison de la présence de personnes infréquentables mais aussi par manque d’ouverture et par l’expression d’un besoin de vengeance inqualifiable. Néanmoins, le processus de construction de ce slogan et son adoption, en un seul souffle, reste à analyser pour comprendre comment plus d’une semaine après, il reste la nouvelle devise de ce pays et se voit repris par d’autres.

Surveillance et exclusion

Il aurait fallu prendre le temps d’analyser les raisons qui ont poussé ces jeunes Français à de tels actes, celles qui les ont amenés à préférer la mort plutôt que le jugement. A regarder, quelques jours après les 7 et 9 janvier, la vidéo montrée sur TV5 Monde [8], où Amedy Coulibaly dénonçait les conditions d’incarcération qu’il avait connues en 2008 et ce à quoi il était confronté – quelles qu’en soient les raisons -, on est en droit d’interroger les politiques pénitentiaires, qui autorisent que de telles situations extrêmes se développent au mépris de la dignité humaine et de la réinsertion.

On est en droit d’interroger les politiques de réinsertion, qui pour des raisons économiques, ont vu leur budget et leur personnel se réduire de manière drastique laissant de nombreuses personnes sans repères et à l’abandon après un passage dans l’univers carcéral. Un Etat, ne faisant que le choix de surveiller et de punir, peut-il s’attendre à des comportements cohérents et responsables ? Ainsi les « formations de haut niveau » –annoncées par le Premier Ministre- « pour appréhender le processus de radicalisation » des services de la Protection judiciaire de la jeunesse, chargée de suivre et de réinsérer les jeunes délinquants répondront elles aux raisons contextuelles qui poussent certains jeunes à partir vers un ailleurs fait de mort et de sang ?

Il semble bien qu’une fois encore le gouvernement, dans l’urgence, décide de maintenir sa politique de l’autruche au mépris de l’éducation, ainsi Maria Inès, du syndicat SNPES-PJJ, retoque cette formation de haut niveau, précisant qu’avec ces jeunes, « en perte profonde de repères » c’est « l’éducatif qui doit primer [9] ».

Elle fait écho à la voix de nombreux enseignants qui s’alarment depuis des années devant les orientations prises par le système éducatif, dénonçant, entre autres la réduction du budget, la fermeture de ZEPs, alors que ces politiques éducatives particulières avaient impacté positivement l’environnement culturel de zones désertées. Sera-t-elle entendue ?

Pensent ils sérieusement qu’il suffira de créer des « quartiers spécifiques » – ce qu’a proposé le Premier Ministre- pour limiter le prosélytisme ou pour éviter la radicalisation des jeunes confrontés à l’intégrisme de l’Islam et pour y contenir les détenus « réfractaires à toute autorité » ? Aurons nous, nous aussi, notre Guantanamo à l’intérieur de nos prisons ?

La nécessaire résistance à l’ordre sécuritaire

Et que l’on ne nous parle pas d’angélisme, de naïveté, d’irresponsabilité ou de sauvagerie. C’est bien parce que nous regardons l’autre, que nous pensons et cherchons inlassablement à construire les éléments de l’altérité, que nous nous tenons aux côtés de l’autre, que nous nous inquiétons de ce qui se joue en son nom et de la façon indigne dont les leaders politiques, les responsables politiques, cautionnés par les media, toisent avec mépris tous ceux qui ne sont pas à leur hauteur.

On est en droit de s’inquiéter des coupes sombres opérées dans les subventions octroyées aux associations de quartier, ainsi de certaines épiceries sociales qui ont dû fermer leurs étals parce que les mairies ont fait le choix de financer des programmes de façade. Sans que ces élus ne se soucient de l’aggravation de l’exclusion et de la précarité des familles et des quartiers entiers. Ces zones inconnues des médias où les premières victimes sont les enfants, dont certains risquent de prendre le chemin de la radicalisation et d’autres celui de la délinquance.

On est en droit de se mobiliser contre ceux qui font courir au monde un réel danger en refusant de prendre en compte les besoins et les attentes de l’homme, qui sans cesse doit interroger afin d’assumer sa part d’humanité pour résister aux logiques prédatrices, cyniques et guerrières.

On peut s’interroger sur les raisons qui poussent le Premier Ministre a annoncé, trémolos dans la voix, index pointé vers l’ennemi qu’un « nouveau fichier obligera les personnes condamnées à des faits de terrorisme ou ayant intégré des groupes de combat terroristes à déclarer leur domicile et à se soumettre à des obligations de contrôle ». Il suffit seulement de rappeler qu’il existe déjà un fichier permettant de tracer les déplacements des uns et des autres, le Passenger Name Record [10] [11] et un autre portant sur la Prévention des atteintes à la sécurité publique [12].

On peut se demander si la trentaine de fichiers déjà en exercice en France –et pour certains se recoupant- ne serait pas suffisante pour contrer les errements de personnes perdues dans des comportements « guerriers ».

Pourquoi une telle accumulation de fichiers sinon pour encore plus de contrôle et encore plus de surveillance ?

Quel objectif est visé en créant « des ennemis de l’intérieur » et en distillant la méfiance, l’angoisse et la peur ? Ne visent ils pas ainsi à, socialement, culturellement et psychologiquement, nous occulter tous et toutes et tuer nos différences dans notre commune égalité ?

A ce stade, notre réaction ne peut être que de nous compter, de nous unir, de conforter les alliances initiées, ainsi de celle contre le racisme antimusulman qui voit depuis deux ans des progressistes se réunir et penser ensemble à contrer les politiques qui rejettent la différence. Et dans la même lutte pour l’humanité, de celle portée par le lancement de la décennie pour les personnes d’origine africaine [13], pour résister au racisme anti-noir et réfléchir, aux fondements de la colonialité du pouvoir qui autorisent une partie du monde, en raison d’une globalisation déstructurante, à continuer à dominer l’autre.

Ensemble pour les libertés

Nous sommes nombreux à appeler et à agir pour un autre monde qui ne sera possible que si le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie, le racisme antimusulman et anti-noir ne sont plus ses règles de « gouvernance ». Une alternative envisageable seulement si la colonialité du pouvoir et du savoir qui nous a amenés dans cet abime inhumain, de siècles en siècles, est enfin identifiée, dénoncée et déconstruite afin de baser ce monde sur la non-discrimination avec son corollaire l’égalité entre les peuples et les Etats, entre les êtres humains, différents et égaux afin qu’ils agissent politiquement en tant que citoyen et citoyenne….

Le monde globalisé, imposant une guerre sans fin aux peuples et aux nations n’est rien de moins qu’un « monde compartimenté, manichéiste, immobile, monde de statues (…) Monde sûr de lui, écrasant de ses pierres les échines écorchées par le fouet. Voilà le monde colonial. L’indigène est un être parqué, l’apartheid n’est qu’une modalité de la compartimentation du monde colonial. La première chose que l’indigène apprend, c’est à rester à sa place, à ne pas dépasser les limites [14] », c’est ainsi que Frantz Fanon décrivait le monde colonial.

C’est ce retour à ce monde colonial remis à l’ordre du jour auquel, par notre engagement politique et notre solidarité internationale, nous tentons inlassablement d’échapper.

16 janvier 2015

Notes

[1] Lire le reportage, http://www.reporterre.net/L-enfance…

[2] Voir l’analyse proposée par Maxime Tandonnet, Le Figaro, 9/01/2015
http://www.lefigaro.fr/vox/politiqu…

[3] Homme d’affaires et millionnaire israélien qui dirige d’une part, le parti politique nationaliste et sioniste religieux situé à l’extrême droite du spectre politique israélien -Le Foyer juif-, et d’autre part, le mouvement pro-colonies « My Israel »

[4http://www.huffingtonpost.fr/2013/0…

[5http://www.francetvinfo.fr/faits-di…

[6] Voir le site de la Fondation Frantz Fanon, http://frantzfanonfoundation-fondat…

[7] Au JORF n°0001 du 1 janvier 2013 a été promulguée la LOI n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées

[8http://www.lemonde.fr/societe/artic…

[9http://www.liberation.fr/societe/20…

[10] Article 7 de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme, un arrêté du 28 janvier 2009 a créé un système de traitement automatisé de données à caractère personnel concernant « les provenances et les destinations, situées dans des États n’appartenant pas à l’Union européenne, des passagers aériens ». Lors de l’enregistrement de ces données, le Fichier des personnes recherchées (FPR) et le Système d’information Schengen (SIS) est consulté.

[11] Les données PNR sont conservées 5 ans, sauf celles concernant le FPR ou le SIS, qui ne seraient conservées que 24 heures. Par ailleurs, ce nouveau fichier a une double finalité de prévention et répression d’actes de terrorisme d’une part, et d’autre part de « lutte contre l’immigration clandestine »

[12] Le décret publié le 16 octobre 2009 ne porte pas sur des personnes condamnées mais sur des personnes « susceptibles d’être impliquées dans des actions de violences collectives, en particulier en milieu urbain ou à l’occasion de manifestations sportives ». Entrent dans le cadre du fichier toutes les « personnes dont l’activité individuelle ou collective indique qu’elles peuvent porter atteinte à la sécurité publique », et ce, dès l’âge de 13 ans. Seront fichés, dans une base de données à part, des personnes employées dans la sécurité (gardiens, pompiers) et qui font l’objet d’une enquête administrative. Dans la mesure ou des données liées aux infractions sont traitées ce traitement est un traitement de données sensibles au sens de la CNIL

[13http://frantzfanonfoundation-fondat…

[14] Frantz Fanon, Les damnés de la terre, Petite collection Maspero, 1961

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