La pensée de Fanon et les révolutions dans le monde arabe

Par Madjid Laribi

Frantz Fanon a été revisité, hier, au 104 boulevard d’Aubervilliers, l’espace d’une soirée, en ces temps des révolutions dans le monde arabe, où les analyses de Fanon centrées sur la libération et l’mancipation sont plus que jamais d’actualité. Introduisant cette rencontre et devant une salle archicomble, Gora Diakité, comédien, a fait résonner Fanon en lisant quelques passages de son oeuvre.

Mireille Fanon-Mendès France, Immanuel Wallerstein, Olivier Besancenot et Ghazi Hidouci ont eu, chacun à son tour, à aborder les idées phares de la pensée de l’auteur des « Damnés de la terre », qui a disparu jeune, prématurément, à l’âge de 36ans, en décembre 1961.

Cinquante ans après, l’homme blanc reste prisonnier de sa peau blanche et l’homme noir aliéné à son masque noir. La libération des pays du tiers-monde n’a pas été synonyme de décolonisation comme le voulait Fanon, mais cette libération n’a fait que perdurer la domination sous d’autres formes.

Fanon au coeur du mouvement de libération a pressenti avec acuité les dangers qui guettaient la révolution algérienne. La bourgeoisie locale alliée au capitalisme a éloigné le peuple de l’Etat après l’avoir dépossédé de toutes les libertés, a expliqué Ghazi Hidouci.

Immanuel Wallerstein, éminent connaisseur des mouvements socio-politiques, du haut de ses 80 ans, de ses expériences altermondialistes, a abordé le fanonisme sous un double aspect, au croisement de Marx et de Freud. Pour Immanuel Wallerstein, Fanon a regardé le marxisme avec l’oeil de Freud et la psychiatrie avec celui de Marx.

Olivier Besancenot a, quant à lui, présenté la pensée de Fanon sous son aspect militant tout en faisant le rapprochement entre Frantz Fanon et Ché Guevara. L’orateur n’a pas manqué de souligner les rôles de l’armée et de la police dans le maintien des dictatures en empruntant les mots à Fanon « Dans ces pays pauvres, sous-développés, où, selon la règle, la plus grande richesse côtoie la plus grande misère, l’armée et la police constituent les piliers du régime. Une armée et une police qui, encore une règle dont il faudra se souvenir, sont conseillées par des experts étrangers. »

Pour Mireille Fanon, qui a inscrit la pensée de son père dans un cadre humaniste et internationaliste, n’a pas manqué de relater son parcours, ses combats, combien pluriels, et les dynamique que peuvent susciter aujourd’hui, cinquante après, les écris et les idées de Fanon.

Les débats qui ont tourné autour de l’actualité de la pensée de Fanon et des révolutions souvent sanglantes qui se déroulent actuellement dans le monde arabe, ont convergés sur la nécessité, surtout pour les jeunes de découvrir et comprendre Fanon pour faire face au racisme et à l’exclusion nourris par l’hégémonie néo-libérale. Pour beaucoup d’intervenants, Fanon, « humaniste et universaliste radical » incarne le refus des systèmes de pouvoirs aliénants en Occident et la lutte contre les dictatures soumises au néocolonialisme et au système financier international.

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