APRÈS LE FORUM DES RÉSISTANCES, PORTO ALEGRE

 

Après le forum des résistances, Porto Alegre, janvier 2016, deux articles sur l’évolution du processus des forums sociaux sociaux. VERS UN NOUVEAU CYCLE DE L’ALTERMONDIALISME, Gus Massiah, membre du Bureau de la Fondation Frantz Fanon Je propose quelques réflexions personnelles sur le passage à un nouveau cycle de l’altermondialisme qui interpelle les forums sociaux mondiaux et leur avenir. La définition que nous retenions de l’altermondialisme est celle d’un mouvement historique d’émancipation qui prolonge et renouvelle les mouvements historiques précédents ; le mouvement ouvrier, le mouvement paysan, le mouvement de la décolonisation, … Ce mouvement commence à la fin des années 1970 avec une nouvelle phase de la mondialisation capitaliste, celle du néolibéralisme et de la financiarisation. Il a déjà connu plusieurs phases : au départ, la phase de reprise en main après la décolonisation, avec l’imposition des plans d’ajustement structurel et l’arme de la dette ; la phase de la contestation des institutions internationales de la financiarisation à partir des mobilisations mondiales contre le G7 et le G20, le FMI, la Banque Mondiale, et l’OMC ; la phase actuelle qui commence en 2000 est celle des forums sociaux mondiaux, c’est celle qui est en voie d’épuisement. L’altermondialisme est d’abord confronté à l’évolution de la situation internationale et à celle de la mondialisation capitaliste. La crise financière de 2008 a montré des formes d’épuisement du néolibéralisme et la fragilité du capitalisme financier. La prise de conscience écologique, notamment sur le climat a montré les limites du capitalisme et du productivisme. Les politiques de sortie de crise, l’endettement et les plans d’austérité ont exacerbé les inégalités et la défiance envers les politiques. A partir de 2011, les insurrections ont éclaté dans des dizaines de pays ; des millions de personnes ont occupé les rues et les places publiques. La réaction a été d’une grande brutalité à travers les répressions et les politiques sécuritaires, ainsi qu’avec la vague des guerres décentralisées. Les idéologies racistes, xénophobes, anti migrants et anti pauvres ont occupé le devant de la scène. Les gouvernements réactionnaires ont pris le pouvoir en Amérique latine et ailleurs dans le monde. Après Temer au Brésil, l’arrivée de Trump a confirmé l’heure des glaciers. Cette montée en puissance des droites et des extrêmes droites ne s’est pas imposée sans résistances. Elle est une réponse à la vigueur des mouvements sociaux et citoyens des années 2000, celles qui se retrouvent dans les forums sociaux, les mouvements syndicaux de salariés et de paysans, des mouvements des femmes, des peuples indigènes, des habitants, des écologistes, des droits humains, etc. Elle est une réponse aux mouvements insurrectionnels d’après 2011, aux insurrections au magrheb et au machrek, aux indignés, aux occupys, aux mouvements étudiants, à la place Taksim à Istanbul, aux carrés rouges, etc. Aujourd’hui une nouvelle vague de résistances se dépolie avec les black live matters, le refus des pipelines au Dakota et au Canada, et depuis l’élection de Trump les millions de manifestantes et de manifestants dans plus de 600 villes dans le monde. Les peuples n’ont pas désarmé et l’affrontement devient de plus en plus violent. Depuis le début du néolibéralisme les évènements et les ruptures n’ont pas manqué. Rappelons l’implosion de l’Union Soviétique, la nouvelle stratégie américaine après les attentats de New York en 2001, la déstabilisation du Moyen Orient à partir des guerres d’Irak, … le monde est en plein bouleversement. Du point de vue des mouvements, de nouvelles pistes émergent. Citons parmi d’autres : l’articulation entre le social et l’écologique, l’articulation entre les bases sociales et les projets, la radicalisation de la démocratie et le rejet des formes de corruption, particulièrement la corruption politique qui naît de la fusion entre les classes politiques et les classes financières ; l’articulation nouvelle entre les échelles de pouvoirs locaux, nationaux, régionaux et mondiaux, etc. Le processus des forums sociaux mondiaux garde son importance, mais n’a pas été en mesure d’unifier toutes les résistances et toutes les initiatives. D’une part la radicalité des luttes et des mobilisations s’incarne plus dans leur singularité que dans leur convergence. D’autre part, les situations se différencient et les situations locales et nationales prennent le pas sur les échelles régionales et mondiales. Malgré la permanence du pouvoir financier et des multinationales dans la mondialisation, la situation internationale est en mutation.

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Fondation Frantz Fanon