Tribunal permanent des peuples – Mexique, Chihuahua – Audience sur le féminicide et la violence de genre

Le Tribunal Permanent des Peuples [1] a été convoqué, en 2011, à l’initiative de mouvements sociaux citoyens et de la société civile mexicaine, pour juger de l’impact des traités de libre échange en matière de violation des droits humains et des peuples, de violence, d’impunité, de dérégulation juridique et de responsabilité de l’Etat.

Cette session est composée d’audiences thématiques qui ont pour objectif de comprendre la complexité des causes, les acteurs et les victimes de la violence. Après l’audience [2] introductive de la session, ont été tenues les audiences thématiques sur les violations des droits du travail [3], sur la dévastation environnementale [4], sur la souveraineté alimentaire et l’autonomie des peuples [5], sur la criminalisation des mouvements sociaux et des défenseurs des droits humains [6].

Les audiences concernant la liberté d’expression et l’accès à la communication se sont tenues à Mexico [7], les violences faites aux femmes et les violences de genre [8] à Chihuahua ; des sessions sur la “guerre sale”, les migrations et les jeunes ont aussi eu lieu.

La session conclusive délibérative [9] se tiendra du 12 au 15 novembre 2014.

I/ Chihuahua, premières impressions

Mireille Fanon-Mendes France
Fondation Frantz Fanon
Membre du Tribunal permanent des peuples-Fondation Lelio Basso

Improbable lieu de perdition et de désert… la ville s’étend au loin, tout en plat, rues poussiéreuses où circulent d’énormes pick up. Ils ont remplacé les chevaux des cow boys dont la mentalité n’a pas quitté cette cité. A la fois la « modernité » dans ses aspects les plus hideux agresse et coexiste avec l’histoire de cette ville sortie du désert dans les années 1700 et quelque….quelques maisons ressemblant à d’énormes gateaux recouverts de sucre glace tant leur toit tuilé brille sous le soleil de plomb de l’après-midi, pourtant dès ce soir la température tombera de près de 10 degrés.
La publicité pour une bière encore plus fraîche que l’autre rivalise avec celle pour les banques et les taux les plus incroyablement bas pour des crédits qui vont jeter à la rue nombre de ceux qui vont pousser la porte croyant enfin être tirés d’affaire, alors qu’ils viennent de pénétrer dans l’antre de l’enfer….

Sur le chemin de l’aéroport à l’hôtel Ibis, de nombreuses croix roses, grandes, inélégantes.

Elles témoignent du nombre de femmes et jeunes filles tuées, enlevées, disparues vers on ne sait quel destin…Le pire certainement. Un accueil des plus sympathiques, s’il en est. Pour guise de salut, Victor venu m’accueillir, me signale qu’il ne faut pas marcher dans les rues seule…..

Welcome au pays de l’horreur institutionnalisée et de l’oubli organisé, puisque nulle part il est fait mention de ce féminicide…

Une ville de contradictions avec sa violence au grand jour.

Je suis quand même allée arpenter quelques rues, je voulais retrouver le bout de la piste que recherchait Blueberry, le cow boy, je voulais voir les tourbillons de poussière…

Chihuahua, deuxième journée

Sortie de l’hôtel IBIS pour rejoindre le seul théâtre de la ville, construction moderne, sans aucune grâce ressemblant à une Maison de la Culture des années 60. Une foule joyeuse, mais dont il est facile de voir que les épaules ploient sous le trop plein de souffrances, attend le début de l’audience organisée par le Tribunal permanent des peuples annoncé par une grande affiche flottant sur la façade du théâtre sur laquelle une jeune fille stylisée, une chaîne à la cheville, tente d’attraper un vol de papillons multicolores. La liberté enchaînée. Un soleil de plomb vient s’écraser sur les murs en béton du théâtre. Tout est calme, le ciel est serein.

En croisant une toute jeune adolescente blonde au visage émacié, son regard attristé et ses yeux d’enfant profondément cernés m’ont surprise. J’ai voulu penser qu’elle avait fêté un anniversaire la veille et qu’elle manifestait son opposition à se trouver là. Que viendrait-elle faire ici, un dimanche matin, à écouter inlassablement les histoires de disparitions forcées, de meurtres, de séquestration ; les mots au bord des larmes, les corps secoués de tremblements mais quoiqu’il en coûte de souffrances, la détermination est inexorable.

Quelques heures plus tard, j’apprendrais que son père a disparu en 2010. Elle avait 9 ans. La dernière fois qu’elle l’a vu, il montait, forcé par 4 hommes armés, dans une voiture. Il ne l’a plus jamais appelée. Sa mère, avec la force de sa vie, a remué ciel et terre pour savoir s’il était détenu ou s’il était mort et pourquoi lui. Rien, un mur opaque se construit entre les familles et les agents de la force publique qui se joue des familles qui recherchent inlassablement leurs proches. Elle exige prises de sang, photos, reconstitution de dossier alors qu’il y en a déjà un qui dort dans les tiroirs du commissariat. Parfois, elle convoque, toute séance tenante, une famille, qui oscille entre espoir et désespérance, et l’emmène devant un charnier, juste découvert, afin qu’elle reconnaisse des corps. Comble d’ignominie, il s’agit simplement de carcasses d’animaux. L’objectif est de briser encore un peu plus les mères, les pères, les frères et les soeurs recherchant, sans répit, leur proche manquant à la famille, aux amis, à sa vie.

Une entreprise de « terrorisation » systématique des familles s’institutionnalise pas à pas, doublée d’un cynisme porté à son comble. La police refusant de faire les investigations, c’est donc aux familles de prendre l’ensemble des coûts en charge, de s’endetter pour obtenir enfin des éléments de réponse qui ne sont jamais suffisants ou pertinents pour ceux qui sont chargés de tout mettre en oeuvre pour mener une enquête prompte, impartiale et approfondie sur les violations des droits de l’Homme – préalable indispensable afin de déceler, le cas échéant, des comportements de nature criminelle, d’en déterminer les circonstances et d’identifier les personnes s’étant livrées aux exactions.

Il faut une âme déterminée pour ne pas céder aux pressions ou aux menaces physiques. Il faut la conviction que l’Absent n’est pas parti de son plein gré pour résister à la violence de l’Etat et à ses agents. Il faut chaque jour se convaincre que « Vivant, il est parti, Vivant nous le ramènerons ». Il faut pouvoir défier l’Etat terroriste qui criminalise et décide, selon des critères que lui seul connaît, qui seront les prochaines victimes.
Qu’ont en commun toutes ces personnes disparues ? Jeunes, entre 15 et 35 ans, parfois même moins, dans certaines communes, ce sont les femmes qui sont particulièrement ciblées, dans d’autres les hommes.

Tous ont disparu en plein jour, de retour de l’école, du lycée, du travail ou d’un magasin proche de chez eux…La majorité d’entre eux ont suivi un cursus scolaire et ont un travail régulier. Pourquoi disparaissent-ils ? Quelle logique domine à ces disparitions forcées ? Ont-ils été emmenés de force pour travailler dans des mines ou pour devenir des esclaves sexuelles dans certains lieux du Mexique ou au-delà de la frontière nord-américaine, à quelque 250 kilomètres de Chihuahua ? Ont-ils été tués, comme se contente de dire la police locale, par des narco-trafiquants ou par une bande rivale au prétexte qu’il ou elle appartiendrait à un gang ?

D’autres questions, lancinantes, se posent. Qui les a tuées ? Lorsqu’elles sont enlevées, des témoins affirment avoir reconnu les véhicules, les uniformes de la police ou de l’armée, d’autres ceux des paramilitaires ; mais dans un jeu pervers et afin de brouiller les identifications, les uns et les autres ont fini par adopter le même uniforme.

Certaines personnes ayant assisté à la scène reconnaissent une personne, se précipitent au commissariat, donnent le nom du criminel. Rien n’y fait, ce dernier ne sera jamais inquiété. Ces familles insistent, elles connaissent son lieu le travail de celui qui a rendu leur vie infernale. Elles ne sont pas écoutées et encore moins entendues ; la plupart du temps renvoyées chez elles avec nombre de menaces.

Consuelo Morales n’a plus aucune nouvelle de son fils, Alberto -31 ans-, disparu alors qu’il revenait de son travail. Il était gendarme. Sa mère, tenant entre ses mains son portrait, retrace, depuis février 2010, sa vie qui a basculé, sa quête sans fin, son acharnement. Son mari, mort de tristesse. Une vie commune à tous ceux et toutes celles qui se tiennent sur l’estrade, portant avec précaution, dans un profond silence, le portrait du disparu. Tous ont en commun de continuer un combat où les forces sont inégales. Tous se battent contre l’effondrement pour tenter de comprendre pourquoi, comment, par qui, où ?

Seul moyen pour que ces enfants, femmes et hommes disparus ne tombent pas dans l’oubli.

II/ Sentence portant sur le droit à la vie, le droit à la dignité humaine, la non-discrimination avec son corollaire l’égalité, la protection des défenseurs des droits

Mireille Fanon-Mendes France [10]
Fondation Frantz Fanon
Membre du Tribunal permanent des peuples-Fondation Lelio Basso
Rosa-Linda Fregoso [11]
Professor, Social Sciences Division
University of California, Santa Cruz

  1. Nombre d’instruments internationaux mentionnent que la protection de la personne humaine et de son droit à la vie a un caractère supérieur et prioritaire, c’est ainsi devenu une norme impérative que tous les Etats se doivent de respecter, ce qui est mentionné dans la Constitution du Mexique, « En los Estados Unidos Mexicanos todas las personas gozarán de los derechos humanos reconocidos en esta Constitución y en los tratados internacionales de los que el Estado Mexicano sea parte, así como de las garantías para su protección, cuyo ejercicio no podrá restringirse ni suspenderse, salvo en los casos y bajo las condiciones que esta Constitución establece. Las normas relativas a los derechos humanos se interpretarán de conformidad con esta Constitución y con los tratados internacionales de la materia favoreciendo en todo tiempo a las personas la protección más amplia [12] ».
  2. Ce qui revient à dire que si ces normes de protection du droit à la vie sont en conflit au moment où devrait être signé un traité, alors cela devrait entraîner la nullité du traité.
  3. Pour confirmer ce droit fondamental à la vie, à la liberté et à l’intégrité de la personne, la Déclaration universelle des droits de l’Homme vient préciser que pour garantir un tel droit, il est essentiel que « les droits humains soient protégés par un régime de droit pour que les individus ne soient pas contraints, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression [13] » ; la Convention [14] américaine des droits de l’homme rappelle, quant à elle, que l’État doit s’abstenir de porter atteinte arbitrairement à la vie d’un individu sous sa juridiction.
  4. Or, les témoignages entendus par les juges du Tribunal Permanent des Peuples portant d’une part, sur la violence structurelle qui a atteint, dans certains Etats, un degré de violence qui augmenté avec les interventions gouvernementales et d’autre part, sur la violence dont sont victimes les femmes dans différents Etats du Mexique [15] sont la preuve que le droit à la vie n’est protégé ni par l’Etat central ni par les Etats fédéraux.
  5. Pourtant, le Mexique, lors de son EPU [16] de 2009, avait accepté de tout mettre en œuvre pour “reconnaître la place centrale des droits de l’homme et de la primauté du droit dans son mode d’approche concernant l’amélioration de la sécurité publique [17]”.
  6. La violence structurelle de l’Etat du Mexique est justifiée par la politique libérale prônée par le gouvernement. Elle n’a cessé de s’exprimer, entre autres, par les campagnes de légitimation de l’accaparement des terres appartenant originellement aux communautés autochtones afin de les céder à des entreprises privées revendiquant le droit d’exploiter, pour leurs propres intérêts, les ressources naturelles. Cette violence, justifiée par un Etat libéral, s’est étendue à toutes personnes exclues du système capitaliste parce que pauvres, sans défense et dont les femmes représentent une grande part de cette « classe » mais aussi à toutes personnes revendiquant de vivre selon d’autres critères et résistant à la libéralisation à outrance de leurs terres.
  7. L’Etat mexicain, pour dominer les populations afin d’assurer leur reproduction par des mécanismes de contrôle social et combattre la résistance, s’appuie sur l’armée, les services de sécurité des entreprises privées et les milices paramilitaires.
  8. Au Mexique, mais plus généralement partout où le capitalisme violent domine, le primat des intérêts financiers surpasse celui des droits humains et la confiscation de la décision politique est préemptée par des instances qui affirment qu’elles sont représentatives.
  9. Aussi, malgré les paravents subtils dont l’Etat mexicain se dote et qu’il instrumentalise, lors de rencontres internationales –ainsi lors de la Quatrième Rencontre entre l’Amérique Latine et l’Europe à Vienne, Vicente Fox avait rassuré ses homologues européens en affirmant que « (s)on gouvernement a profondément respecté les droits humains (…) nous disposons aujourd’hui au Mexique d’une liberté d’expression totale (…) La démocratie et la liberté sont les deux piliers fondamentaux de la nouvelle société mexicaine, dans le respect total des droits de l’homme, dont nous disposons aujourd’hui au Mexique [18] », ou de son Examen Périodique Universel, afin de se présenter comme un garant des droits humains, et plus spécifiquement des droits autochtones , il n’en reste pas moins qu’il demeure un Etat répressif qui assure les conditions d’installation d’entreprises étrangères.
  10. Structural violence Para entender la violencia de género en su profundidad es necesario contextualizarla en un ensamblaje de multiples factores que incluyen la naturalización de normas sociales de superioridad masculina e inferioridad femenina, la herarquia de género, raza/étnia y sexualidad, el Estado patriarchal e instituciones patriarcales, la misoginia normalizadas. Además la violencia de género se manifiesta en interseccionalidad con una serie de problemáticas estructurales que incluyen la militarización, la pobreza, el desempleo, explotación ambiental, políticas neoliberales, regimenes autoritarios y las nuevas guerras y conflictos armados.
  11. Por eso consideramos la interseccionalidad de la violencia de género con la violencia estructural que en el contexto Mexicano es reconocida como determinante de muchas otras violencias a través de las políticas neoliberales de ajuste estructural y el tratado de libre comercio con Norteamérica, que aunada a la cultura patriarcal, misógina y corrupta de autoridades, instituciones de la sociedad y medios de comunicación va de la discriminación al exterminio, violaciones y agravios, tales como : explotación laboral y sexual, despojo de riquezas naturales, desplazamientos, carestía de la vida, flexibilidad laboral y desempleo, pobreza galopante, enorme desigualdad, militarización y criminalización, creando mayor vulnerabilidad y riesgo para las mujeres y niñas.
  12. Le féminicide est l’une des démonstrations la plus criante de cette violence, il touche l’ensemble du territoire mexicain ; ces assassinats ou ces disparitions forcées –dont le caractère profondément immoral, grave et criminel de cette pratique constitue “a radical breach of the treaty [19]” ; en bref, “it is a crime against humanity involving a gross rejection of the essential principles on which the inter-American system is based [20]– résultant d’un climat généralisé de violence et de discrimination à l’encontre des femmes, découlent de l’idée qu’elles « sont remplaçables, et l’on peut facilement les utiliser, abuser d’elles, puis les jeter » ainsi que l’a souligné un membre de la famille d’une des victimes. Le féminicide est basé sur une double négation, celle de la femme parce que femme et celle de sa féminité dans son intégrité physique et psychique.
  13. Les juges du Tribunal Permanent des Peuples ont tenté de comprendre comment au Mexique un tel crime contre l’humanité peut arriver alors que l’Etat a introduit, dans sa Constitution, l’affirmation de l’égalité, devant la loi, entre l’homme et la femme [21].
  14. L’Etat mexicain ne faisait, en affirmant cette égalité, que reprendre les normes impératives –portant sur l’égalité homme/femme- contenues aussi bien dans la Déclaration universelle des droits de l’homme [22]mais aussi dans le Pacte international sur les droits sociaux, économiques et culturels [23], sans oublier la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes [24] et ce qu’il a aussi pris comme engagement en acceptant de respecter la norme de la non-discrimination avec son corollaire l’égalité, pilier fondateur de la Charte des Nations Unies [25] en signant et en adhérant aux termes de cette Charte.
  15. L’égalité homme/femme repose essentiellement sur ce principe fondateur de tout l’arsenal des droits humains ; est établi un lien organique entre ce principe et l’obligation générale de protection en ce que plusieurs instruments internationaux et leurs organes de contrôle ont reconnu qu’un traitement discriminatoire dans la mise en œuvre des droits fondamentaux engage la responsabilité internationale de l’État. Il est intéressant de faire référence, sur ce point, à l’avis consultatif de la Cour américaine des droits de l’homme qui rappelle que “[t]he principle of equality and non-discrimination is fundamental for the safeguard of human rights in both international and domestic law [26].” La pratique de la discrimination se caractérise par sa nature déraisonnable, non proportionnelle et subjective. Ainsi, le principe d’égalité et de non-discrimination prévoit, d’une part, que les États ne peuvent en aucune circonstance introduire dans leur ordre juridique une réglementation qui serait discriminatoire. D’autre part, ils doivent supprimer toute réglementation en vigueur dont les effets seraient discriminatoires et en combattre les pratiques existantes.
  16. L’Etat mexicain s’y est engagé puisqu’il avait accepté l’ensemble des recommandations émises lors de l’EPU de 2009 ; entre autres il s’était engagé à « harmoniser la législation nationale et la législation des États de façon à éviter les pratiques discriminatoires à l’égard des femmes et des peuples autochtones » [27] et à « supprimer tous les éléments discriminatoires qui sont toujours présents dans certaines lois des États » [28] ; à « prendre d’autres mesures pour combattre la discrimination à l’égard des femmes et des groupes vulnérables, notamment des enfants, des minorités et des peuples autochtones, et pour leur offrir protection et assistance » [29] et à « lutter contre la discrimination et la violence à l’égard des femmes par l’éducation et l’adoption de textes de loi spécifiques, dans le secteur privé comme dans le secteur public ; mettre au point des programmes concrets et positifs pour élever le niveau de vie des femmes et assurer leur représentation aux postes de décisions » [30].
  17. Cet engagement revient à reconnaître que toutes les personnes, homme ou femme, ont droit à l’égale protection de leurs droits humains devant la loi car ils appartiennent tous à la famille humaine et que cela est essentiel à la dignité humaine.
  18. Il faut ajouter que le Comité contre la discrimination raciale, dans sa déclaration sur la discrimination raciale et les mesures visant à lutter contre le terrorisme [31], a confirmé que le principe de non-discrimination était une règle de jus cogens, dès lors il a valeur de norme impérative que tout Etat se doit de respecter au risque de voir sa responsabilité internationale interroger. Ce qu’avaient réaffirmé d’une part, le juge Ammoun, qui dans une opinion [32] individuelle précisait que les principes du préambule de la charte des Nations Unies, au nombre desquels figure le principe d’égalité et de non-discrimination, sont de nature impérative et d’autre part, la Cour internationale de Justice qui a considéré que l’interdiction de la discrimination raciale est si importante qu’elle fait partie des obligations erga omnes.
  19. La conceptualisation du féminicide – néologisme créé par la commission spéciale de la Chambre mexicaine des députés- pensée à la suite d’une proposition de loi émanant d’un groupe de députés [33], a été élaborée à partir d’un ensemble de huit éléments constituant autant de preuves pour préciser la nature de ce crime spécifique, entre autres violence sexuelle, antécédents violents de celui qui a commis le crime, relation entre la victime et le responsable du crime, impossibilité pour la femme d’assurer sa propre défense, commission par le criminel de lésions infamantes et dégradantes…
  20. Le « féminicide » décrit la violence spécifique commise contre les femmes et se traduit par des homicides ou tout autre forme de mort violente tout en combinant une violation des droits humains associée à des conduites misogynes pouvant impliquer l’impunité sociale et étatique.
  21. L’enjeu était de promouvoir la justice pour les victimes de « féminicide » et de répondre à une situation critique en matière de violation des droits humains à l’égard des femmes. Introduit dans le Code pénal mexicain depuis le 28 juillet 2011, les coupables de ce crime agressant la dignité humaine sont passibles de peines allant jusqu’à 60 ans ; il faut cependant noter que l’Etat de Chihuahua ne l’a toujours pas intégré dans sa législation en contradiction avec la recommandation acceptée en 2009, où l’Etat du Mexique s’était engagée à harmoniser la législation nationale et la législation des États de façon à éviter les pratiques discriminatoires à l’égard des femmes et des peuples autochtones [34] et à supprimer tous les éléments discriminatoires qui sont toujours présents dans certaines lois des États [35].
  22. Según La Ley de Acceso a las Mujeres a una Vida Libre de Violencia [36], la violencia feminicida se define como « la forma extrema de violencia de género contra las mujeres, producto de la violación de sus derechos humanos, en los ámbitos público y privado, conformada por el conjunto de conductas misóginas que pueden conllevar impunidad social y del Estado y puede culminar en homicidio y otras formas de muerte violenta de mujeres ».
  23. En varios sistemas penales, como indica la Organización de las Naciones Unidas : “La muerte violenta de las mujeres por razones de género, tipificada […]bajo la figura del “femicidio” o “feminicidio” y en otros como homicidio agravado […], constituye la forma más extrema de violencia contra la mujer. Ocurre en el ámbito familiar o en el espacio público y puede ser perpetrada por particulares o ejecutada o tolerada por agentes del Estado. Constituye una violación de varios derechos fundamentales de las mujeres, consagrados en los principales instrumentos internacionales de derechos humanos, en especial el derecho a la vida, el derecho a la integridad física y sexual, y/o el derecho a la libertad personal [37]”.
  24. Por eso es de singular importancia diferenciar entre los homicidios de hombres (que, en México son de mayor proporción) y las particularidades de los asesinatos de mujeres : Aunque sus manifestaciones ilustran diferentes interrelaciones entre normas y prácticas socioculturales, el femicidio […] constituye un fenómeno global que ha alcanzado proporciones alarmantes en el mundo […]. Sus víctimas son las mujeres en diversas etapas de desarrollo, condiciones y situaciones de vida. Los informes disponibles revelan que en las muertes violentas de las mujeres se presentan manifestaciones del ejercicio de una violencia desmedida previa, concomitante o posterior a la acción delictiva, que evidencia una brutalidad particular en contra del cuerpo de las mujeres. En muchas ocasiones la muerte se produce como el acto final de un continuum de violencia, en particular, en los casos de femicidio íntimo que son cometidos por el esposo, compañero permanente, novio, etc. Estos aspectos constituyen algunos de los elementos diferenciadores de dichas muertes con respecto a los homicidios comunes [38] […].
  25. Por ello, los casos de Marisela Escobedo y Rubí Frayre son emblemáticos de la violencia extrema de género y de violación de varios derechos fundamentales de las mujeres, consagrados en los principales instrumentos internacionales de derechos humanos.
  26. Rubí Frayre, hija de Marisela Escobedo, fue víctima de feminicidio íntimo. Rubí desapareció en enero de 2009 y después de meses de busqueda se encontraron sus restos. Desde que desde que desapareció Rubí no se activó el protocolo Alba [39] La desaparición de una niña de 16 años en ciudad Juárez que nunca fue buscada por las autoridades. La simulación de aplicación del Protocolo Alba [40], el papel protagónico de la madre a quien la fiscalía le endosa la responsabilidad de investigar, con el riesgo que conlleva esta actividad, la falta de medidas de protección, uno de los primeros juicios de feminicidio en el país ante un tribunal oral, el asesinato de una defensora de derechos humanos, la criminalización de la protesta social, la campaña de desprestigio del Gobierno de Chihuahua en contra de las organizaciones sociales que acompañamos a las víctimas y en especial del CEDEHM , lo que origino medidas provisionales del más alto tribunal de las Americas, la Corte Interamericana de DH, la detención de dos presuntos autores materiales a quien la familia considera chivo expiatorio. En este crimen de estado confluyen las mayorías de las violencias de género que hoy se exponen ante este el Tribunal Permanente del Pueblo.
  27. Rubí fue asesinada en Ciudad Juárez por su pareja que consecuentemente fue puesto en libertad. A raíz de la búsqueda de justicia por el feminicido de su hija, Marisela Escobedo se convirtió en defensora de derechos humanos. En noviembre de 2010, acudió a la Secretaría de Gobernación en la Ciudad de México para exponer su situación de vulnerabilidad y riesgo y denunciar públicamente las amenazas recibidas. El 16 de diciembre de 2010, días después de denunciar estas amenazas fue asesinada por un individuo frente al Palacio de Gobierno de Chihuahua.
  28. La réaction initiale aux féminicides, notamment au niveau de l’Etat, a été un pur et simple déni : ces crimes n’ont fait l’objet ni d’investigations ni de répressions suffisantes, et nul ne s’est attaqué aux causes fondamentales de la violence à l’égard des femmes à Chihuahua et de Ciudad Juarez, ce qui a créé un climat d’impunité alors que divers instruments [41] internationaux assurent aux victimes ou aux proches des victimes un égal accès à la justice. Quand ils ont suscité des enquêtes et des poursuites pénales, dans de nombreux cas, le juge a ordonné la relaxe du prévenu.
  29. Ainsi Perla Lizbeth Vega -30 ans-, jeune universitaire à l’Université de Culiacan –Etat de Sinaloa-, assassinée de nombreux coups de couteau, le 27 mai 2012, pendant son sommeil. Elle a été privée de son droit à la vie [42].
  30. Le juge, lors de la première instruction, n’a retenu que trois des huit éléments constituant le féminicide. Perla connaissait Juan Carlos Cristerna -rapidement arrêté après le meurtre- ; Perla avait mis fin à leur relation amoureuse. Depuis, il ne cessait de la harceler. Ne lui avait-il pas passé, en une seule journée, plus de 100 appels ? Les coups meurtriers portés ont été considérés comme dégradants. Elle n’a pu se défendre, puisqu’ils ont été portés alors qu’elle dormait.
  31. Pourtant, lors de l’audience, le juge n’a cessé de démontrer que les trois éléments retenus ne pouvaient justifier un procès ; entre autres, le harcèlement n’a pas été retenu, pas plus le fait qu’elle n’a pu se protéger. Le juge a décidé qu’étant dans son environnement, elle aurait dû être à même de se défendre. De plus, le présumé criminel a affirmé avoir subi des tortures. Dès lors, il a été relâché.
  32. La mère de Perla continue de chercher des preuves qui renverraient le criminel en prison, de façon à voir son droit à un recours effectif [43]appliqué et respecté devant les juridictions nationales compétentes.
  33. Le Comité des droits de l’homme a évoqué, comme étant intangible, l’interdiction de la privation arbitraire de la vie, de la torture et des traitements inhumains et dégradants, des prises d’otages, des châtiments collectifs, de la privation arbitraire de liberté et de la violation de certains droits relatifs à la régularité de la procédure.
  34. Como se mencionó anteriormente, la violencias ejercidas en los cuerpos de las mujeres son parte de un continuum de violencia que muchas veces culmina en el feminicidio íntimo cometido por la pareja. Es además establecido que un alto porcentaje de los feminicidios tienen origen en violencia familiar. Elle afecta a las mujeres en distintas etapas de su vida y en la mayoría de los casos los perpetradores de este tipo de violaciones de los derechos humanos de las mujeres y niñas son familiares, parejas, o conocidos. Además la violencia familiar se encuentra naturalizada en la mayoría de las sociedades, normalizada por relaciones de desigualdad de género e impulsadas por la impunidad por parte de las instituciones estatales.
  35. Según la Convención Interamericana para Prevenir, Sancionar y Erradicar la Violencia contra la Mujer [44], identifica como formas de violencia la física, sexual y psicológica [45], y reitera que debe entenderse por “violencia contra la mujer cualquier acción o conducta, basada en su género, que cause muerte, daño o sufrimiento físico, sexual o psicológico a la mujer, tanto en el ámbito público como en el privado [46]”.
  36. Lucero Rubí mantuvo una relación íntima con Carlos Peña Olivas por unos meses y debido a distintos actos de violencia familiar y amenazas de muerte que Carlos cometía en contra de ella, en julio de 2011, Rubí presentó una denuncia en julio de 2011 ante la Unidad de Delitos Sexuales y contra la Familia. En su denuncia Rubí detalló los actos de violencia, que incluían hostigamiento, perseguimiento, y amenazas. En otra ocasión, Lucero Rubí acudió a las autoridades a denunciar actos de violencia por parte de Peña que incluyeron amenazas de herirla con el cuchillo que llevaba en mano y golpes que recibió en la cara y la cabeza mientra Peña gritaba que la iba a matar.
  37. Carlos Peña continuó hostingando y amenazando a Lucero Rubí. El 3 de agosto, ella volvió a acudir a la Fiscalía para entregar dos fotografías de Carlos Peña que servía de identificación.
  38. El 19 de agosto de 2011, Lucero Rubí fue encontrada muerta por disparos de arma de fuego, en las cercanías de su lugar de trabajo. Luego de ello, y después de algunas pruebas y testimoniales de su propia hija, el 24 de agosto de 2011, un juez garantía libró orden de aprehensión en contra de Carlos Peña Olivas, por los delitos de violencia familiar y daños con penalidad agravada. Asimismo, el 31 de agosto de 2011, otro juez de garantía libró orden de aprehensión en contra de Carlos Peña Olivas, por el delito de Homicidio Agravado en contra de Lucero Rubí Pérez Cisneros.
  39. El feminicidio de Lucero Rubí representa la forma extrema de la violencia de género que vivió y en la culminación de una serie de agresiones físicas constitutivas del delito de violencia familiar ; así como la ejecución de las diversas amenazas de muerte que su ex pareja le hizo.
  40. El caso también evidencia la falta de aplicación de medidas de protección a una mujer víctima de violencia familiar, que además culminó en feminicido. Es también evidente que las autoridades no actuaron con diligencia para prevenir su asesinato. Además el feminicidio es también resultado de la impunidad que imperó en el caso desde la primera denuncia por parte de Lucero Rubí.
  41. Trop d’affaires restent non résolues et trop de victimes non identifiées. Pire encore, de tels crimes continuent d’être commis aussi bien à Ciudad Juarez qu’à Chihuahua, la réaction des autorités ne peut être considérée que comme insuffisante et amène à croire que les autorités ne contrôlent pas ou ne veulent pas contrôler la situation et ne sont pas prêtes à prendre les mesures indispensables à ce fléau qui brise la société mexicaine [47].
  42. Pourtant, les États, dans le cas de violation grave des droits fondamentaux, sont responsables de la mise à disposition d’un recours utile. En particulier, lorsque quiconque est arbitrairement privé de son droit à la vie, une enquête efficace doit être menée et les responsables présumés doivent être traduits en justice ; à cela aussi l’Etat mexicain s’était engagé en acceptant de procéder à une révision, dans des délais prescrits, de la législation des États qui est discriminatoire à l’égard des femmes ; s’engager à faire abroger rapidement les textes, en accordant la priorité aux dispositions du droit de la famille qui aboutissent à une discrimination réelle ou de facto à l’égard des femmes et des filles, et aux textes de loi qui empêchent les femmes d’accéder à la justice, en particulier pour ce qui est de signaler les cas de violence dans la famille et d’engager des poursuites contre leurs auteurs ; et à l’échelon fédéral guider tous les États pour les aider à adopter des mesures concrètes visant à garantir la mise en oeuvre au niveau local des réformes législatives apportées [48] et de « mettre en oeuvre efficacement dans tout le pays (Turquie) et dès que possible le programme national visant à prévenir, prendre en charge, réprimer et éliminer la violence à l’égard des femmes ». [49]
  43. La responsabilité des États dans le domaine des violations des droits humains ne se limite pas aux exactions commises par ses représentants mais porte également sur celles commises par des particuliers. L’État a pour obligation d’agir contre les personnes qui entravent ou menacent les efforts des défenseurs des droits humains, qu’il ait ou non ordonné, favorisé ou tacitement approuvé ces atteintes. Un État qui n’agit pas avec la diligence voulue pour prévenir ces agissements, enquêter sur ces actes et les sanctionner est tenu pour responsable au regard du droit international.
  44. Face à ce phénomène, des organisations se sont constituées pour aider les familles dans leurs démarches mais aussi pour lutter contre l’impunité dont bénéficient trop souvent les auteurs des crimes, que ce soit au niveau institutionnel ou privé.
  45. Rappelons que chaque année, lors de l’Assemblée générale de l’Organisation des États américains, les gouvernements des Amériques reconnaissent l’importance des individus, groupes et ONG agissant pour la promotion des droits fondamentaux en passant une résolution demandant aux États de veiller de toute urgence à faire en sorte que les défenseurs des droits humains puissent accomplir leur travail de promotion et de protection des droits fondamentaux.
  46. Par ailleurs, la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme a été adoptée [50] par l’Assemblée générale des Nations unies. Ce faisant, les États membres des Nations unies réaffirmaient les idéaux inscrits dans la Déclaration Universelle des droits de l’homme et reconnaissaient la contribution qu’apportent tous ceux qui participent à la mise en œuvre effective des droits humains ainsi que la nécessité de les soutenir et de les protéger.
  47. Le système interaméricain représente une importante source de mesures de protection pour les défenseurs des droits humains. L’article 25 des règles de procédure de la Commission interaméricaine des droits de l’homme peut demander que l’État concerné adopte des mesures conservatoires pour empêcher des personnes de subir un préjudice irréparable. De la même manière, selon l’article 63 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme et les règles de procédure de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, cette dernière peut adopter des mesures provisoires afin d’éviter que des personnes en danger soient victimes d’un préjudice irréparable.
  48. Très souvent victimes d’une forte répression, les défenseurs des droits économiques, sociaux et culturels au Mexique continuent de lutter pour la justice, la dignité et les droits humains. La négation des droits économiques, sociaux et culturels dans certains secteurs de la société mexicaine a poussé des personnes à agir au risque de devenir elles-mêmes victimes.
  49. « Les victimes des homicides et des disparitions forcées sont généralement les personnes qui se font le plus remarquer par leurs dénonciations ou leurs capacités de dirigeants. Les agresseurs, par le biais de tentatives d’homicide, cherchent à produire un effet “d’exemple”, à stopper les processus de dénonciation des violations, à pousser les organisations de défense des droits de l’homme à abandonner certaines zones et/ou à diminuer le nombre de leurs dénonciations [51] ».
  50. Ismael et Manuelita Solis Contreras oeuvraient, dans le cadre de l’organisation del Barzon, en faveur des droits économiques, sociaux et culturels liés notamment à la pauvreté et à un environnement sain, particulièrement le droit à l’eau, en tant que bien commun. Originaires d’une communauté indigène, ils se sont élevés contre l’exploitation d’une entreprise minière canadienne, Mag Silver et sa filiale El Cascabel qui utilisait une grande quantité des réserves aquifères, privant ainsi la communauté de son accès à l’eau pour assurer sa vie quotidienne au détriment de leur droit à disposer librement de leurs ressources naturelles ainsi que le précisent les deux Pactes [52] internationaux de 1966 « aucun peuple ne pourra être privé de ses moyens de subsistance et devra disposer librement de ses richesses, de ses ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de l’intérêt mutuel, et du droit international ». Il faut aussi mentionner la Déclaration sur le droit au développement [53] qui établit des liens très clairs entre le droit à l’autodétermination des peuples et leur droit à disposer librement de leurs ressources naturelles. Sans oublier la Déclaration et le Programme d’action de Vienne [54] qui réaffirme l’universalité des droits et précise que « tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement économique, social et culturel [55] ».
  51. Dans le cas des entreprises minières canadiennes s’installant dans les pays hôtes, comme cela a été constaté, lors de l’audience du Tribunal permanent des Peuples à Montréal [56« le développement s’organise de manière unilatérale et au profit exclusif des entreprises extractrices. Toute tentative des peuples autochtones de développer leur économie se solde par une destruction systématique de ce secteur afin de garantir à l’exploitation minière une totale liberté sur l’espace qu’elle tente de s’approprier [57] » ou qu’elle s’est déjà approprié.
  52. Tout comme toutes les personnes qui travaillent au renforcement de ces droits, Ismael et Manuelita Solis Contreras se sont opposés aux intérêts économiques mis en place depuis la signature du Traité de Libre-échange avec les Etats-Unis et le Canada [58], et ont été exposés à des attaques, souvent menées par des individus ou des acteurs non étatiques qui n’ont pas eu à rendre compte de leurs actions, ou par des agents étatiques agissant en partie pour protéger des intérêts économiques des entreprises. Ils ont été assassinés le 22 octobre 2012 dans la municipalité de Cuauhtémoc.
  53. L’article 2 de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme stipule que chaque État a le devoir d’instaurer les conditions voulues pour défendre les droits fondamentaux dans sa juridiction. Pourtant, au Mexique, les défenseurs des droits humains se font, assez souvent, tuer, sont criminalisés et arrêtés à tort, poursuivis par les autorités fédérales et celles des États, qui s’appuient sur des éléments mensongers ou erronés.
  54. Ainsi Cipriana Jurado, défendeur des droits humains depuis plus de 20 ans pendant lesquels elle a travaillé sur les droits au travail et sur les droits à la santé dans les maquiladoras [59]. Elle s’est mobilisée sur la question du féminicide en apportant ses compétences aux nombreuses familles touchées par ce fléau. En 2008, elle fut retenue plusieurs jours par les forces de l’Agence Fédérale d’Investigation, AFI. A sa sortie, les menaces n’ont jamais cessé, à tel point qu’elle a dû demander l’asile politique aux Etats Unis où elle vit depuis quatre ans avec ses fils.
  55. Le meurtre ou l’exil politique d’un défenseur des droits humains n’a pas seulement un effet dévastateur sur sa famille en faisant peser une pression psychologique et financière et ses collègues, bien souvent, il sonne le glas des espoirs de ceux avec qui cette personne travaillait en jetant le doute sur la légitimité de son action. L’implication de responsables fédéraux ou de représentants des États dans des manœuvres visant à discréditer le travail des défenseurs des droits humains afin d’entraver leurs activités légitimes liées aux droits fondamentaux suggère un vif mépris, au sein de certaines institutions publiques, pour l’action en faveur des droits humains ainsi que pour les normes et les principes internationaux relatifs à ces droits.
  56. Pourtant, aux termes des normes [60] relatives aux droits humains, les États ont pour obligation de respecter, protéger et garantir les droits humains et les libertés fondamentales de chacun dans leur juridiction.
  57. Nestora Salgado est touchée de plein fouet par cette criminalisation étatique. Le 21 août 2013, Nestora, coordonnatrice de la police communautaire de Olinala-Etat de Guerrero [61], a été arrêtée par la Marina [62], pour avoir participé à quarante-huit séquestrations et à des actions relevant du crime organisé. Pendant qu’elle était en détention provisoire, elle a reçu de nombreuses menaces de mort proférées par ces mêmes Agents. En fait, il lui est reproché d’avoir dénoncé le responsable syndical, Armando Patron Jimenez et d’avoir des liens avec les narcotrafiquants. Depuis cette date, elle est détenue dans la prison de haute sécurité de Nayarit. En avril 2014, un juge fédéral a décidé de lever l’ensemble des charges –au regard la loi 701 et de la Convention 169 [63]de l’OIT-, précisant qu’en tant qu’agent de la Police communautaire, elle avait toute l’autorité pour avancer de telles accusations.
  58. Mais le tribunal de l’Etat de Guerrero ne l’a pas entendu ainsi. Il a décidé d&rsq
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