Le droit, toujours le droit

Version française et anglaise

Pour la Fondation Frantz Fanon
Mireille Fanon Mendes France

En Palestine, une marche pacifique pour le droit à la terre se solde par la mort de 18 Palestiniens et par plus de 1 000 personnes blessées ; les dernières avancées technologiques ont été utilisées contre des femmes, des enfants et des hommes.

Pour les 18 morts de Gaza, les familles ont donné 12 mandats et pour le millier de blessés, les autres familles ont envoyé plus de 200 mandats à un cabinet d’avocats de Lyon. Toutes ont fourni des dossiers documentés tant sur le plan factuel que médical.

Il s’agit, dans un bref délai, de déposer des plaintes nominatives pour intention d’homicide auprès la procureur de la Cour pénale internationale ; la Palestine ayant ratifié le traité de la CPI, ces plaintes sont recevables, sur la base de l’article 15.1 du statut.
Cet article laissant beaucoup de marge à la Procureur, il est très important, pour lutter contre l’impunité qui s’est institutionnalisée et pour la protection des Palestiniens, d’obtenir de l’Autorité palestinienne, par l’intermédiaire de son Président, qu’elle signe une déclaration formelle –au titre de l’article 14 du statut de la CPI- signifiant qu’elle défère à la Cour la situation du 30 mars, au cours de laquelle l’armée israélienne a tiré sur des civils. Cette déclaration validerait les plaintes des victimes, et en pratique obligerait la procureur à ouvrir une enquête , ce que pour l’instant elle s’est toujours formellement opposée à faire.
L’Etat israélien n’a plus aucune limite dans ses intrusions guerrières ; et ne risque pas de s’arrêter, les autres Etats se contentant de lui demander, du bout des lèvres, de modérer sa violence ou de mettre fin à la construction de logements dans les colonies illégales, tout en continuant à lui fournir des armes et les dernières découvertes en matière d’armement.

La société palestinienne est totalement abandonnée de la communauté internationale qui prétend faire appliquer le droit mais qui a oublié ses obligations à l’égard des peuples encore colonisés ainsi que l’avait rappelé la Cour Internationale de Justice en 2004 à propos de la construction illégale du mur qui lacère la terre palestinienne.

Cette même communauté internationale se contente de regarder, avec placidité, les crimes de guerre commis contre le peuple palestinien ou la crise humanitaire qui menace, chaque jour un peu plus, la vie des habitants de la Bande de Gaza. La société civile, quant à elle, ne sachant pas comment faire face à la culpabilité occidentale, est très souvent paralysée par le lobby sioniste pro israélien. Elle réagit souvent, trop souvent, en tentant d’identifier si, parmi les Palestiniens tués, blessés, emprisonnés, tous subissant une entreprise de déshumanisation et de diabolisation, il y en a qui seraient plus terroristes ou plus radicaux que d’autres pour se dépêcher de s’en démarquer afin que leur soutien ne soit contesté par aucune force dominante. Agissant ainsi, cette solidarité inféode son engagement aux forces de domination, dont celles de l’Etat israélien.

La colonialité du pouvoir, par les règles qu’elle impose au mouvement de solidarité, entre autres en amalgamant antisionisme et antisémitisme mais surtout contre les peuples qu’elle maintient sous son joug colonial, confirme sa violence structurelle contre les peuples et son désir d’en découdre avec toute forme de résistance en menant une guerre aliénante contre les peuples et en assumant, par ses violations constantes du droit international et du droit humanitaire international, qu’une des façons qu’elle a d’assurer son pouvoir vise à imposer un état permanent d’extériorité et d’appauvrissement ontologique. C’est ici une des armes utilisées par le système de domination hégémonique.

A la suite de cette énième agression, non justifiée, il ne suffit pas d’exprimer sa compassion devant cet énième crime de guerre qui demeurera encore impuni puisque les Etats dominants, et tous ceux qui les suivent, n’ont cure des règles devant servir de normes impératives.

N’oublions pas qu’elles n’ont été pensées, au sortir de la seconde guerre mondiale, que pour garantir leur propre pérennité. Plus précisément celle d’un monde majoritairement blanc euro-centré à reproduire ad nauseam par tous les moyens possibles. Il s’agit d’éviter l’intrusion de l’Autre en se préservant de toute atteinte que cet Autre pourrait lui porter. Tout est pensé pour le maintenir à l’extérieur, hors des frontières, hors du droit, hors d’une humanité pensée en termes de « blanchitude » et d’idéologie portée par celle qui a émergé avec le siècle des lumières.

On voit dès lors que l’on ne peut penser la Palestine qu’en termes de combat politique. Un des terrains que l’on doit continuer d’investir est celui du droit.

La Fondation Frantz Fanon soutiendra toute initiative juridique s’engageant à briser les chaînes de l’invisibilisation juridique du peuple palestinien et à faire reconnaître les droits inaliénables de ce peuple que la communauté internationale a abandonné et que le mouvement de solidarité regarde parfois avec des yeux dans lesquels pointent la suspicion. Ce n’est que par un combat avec le droit et sur le droit que l’impunité pourra être sérieusement remise en cause et dénoncée comme une arme de destruction massive contre le droit international et le droit humanitaire international avec des conséquences dramatiques pour les peuples qui combattent la colonisation, ce qui est leur droit. Il faut alors répéter que la CPI est compétente, bien sûr la procureur pourrait aller beaucoup plus loin mais, en l’état tout dépend d’une déclaration de l’Autorité palestinienne au titre de l’article 14.
Dans cette perspective, la solidarité internationale doit porter la voie du droit et particulièrement à l’égard des Palestiniens et ceci contre toutes les positions délétères qui s’agitent pour dire que le droit ne peut plus rien. Le droit est une arme de libération, une arme politique, une arme de changement politique ; il faut sans cesse le rappeler à ceux qui continuent de penser le monde en dominants/dominés.

Bien sûr, les actions de Boycott, Désinvestissement, Sanction doivent être renforcées.

English version

Gaza, March 30, 2018,

Law, always Law…

Pour la Fondation Frantz Fanon
Mireille Fanon Mendes France

In Palestine, a peaceful manifestation for the right to land resulted in the death of 18 Palestinians and more than 1,000 wounded people. The latest technological advances have been used against women, children and men.

On behalf of the 18 deceased people, the families gave 12 powers of attorney to a law firm based in Lyon ; and on behalf of the thousand people that were wounded, families gave more that 200 powers of attorney to the same law firm. Every family provided documented records,regarding both the facts of the attack and the medical consequences .

The aim of the legal presentation is to refer to the Prosecutor of the International Criminal Court, in short time, a nominative complaint for attempted murder. Since Palestine has ratified the ICC Treaty, these complaints are admissible based on article 15.1 of the Statute of Rome.

Since this presentation leaves a wide margin of maneuver to the Prosecutor, it is important, in order to fight against the institutionalized impunity and in order to protect Palestinians,, to obtain from the Palestinian Authority, that is from the President, the signature of a formal declaration stating that the situation of March 30th (in which the Israeli army fired at civilians) is referred to the Court under Article 14 of the ICC Statute. This statement would validate the complaints of the victims and, in practice, it would oblige the prosecutor to open an investigation, an action that, so far, she has always formally opposed to do.

The Israeli state has no limits when it comes to war intrusions ; and it doesn’t seem like it is going stop. The remaining states of the international community limit themselves to reluctantly ask from Israel to moderate its violence or to stop the construction of housing in illegal colonies, while at the same time they keep providing Israel with weapons and the latest military discoveries.

The Palestinian society is totally abandoned by the international community, a community that claims to enforce the law but that has forgotten its obligations towards the still-colonized peoples. This condition has been recalled in 2004 by the International Court of Justice in its advisory opinion about the illegal construction of the wall that lacerates the Palestinian land.

It is this international community that stands by, watching placidity how war crimes are committed against the Palestinian people or the humanitarian crisis that seriously affects Gaza Strip’s inhabitants. On the other hand, civil society, not knowing how to deal with Western guilt, is often paralyzed by the pro-Israeli Zionist lobby. Often, all too often, it reacts by trying to identify whether, among the killed, wounded or imprisoned Palestinians -all of them undergoing a process of dehumanization and demonization-,there are some who would be more terrorists or more radical than others so that their support is not challenged by any dominant force.
In doing so, this solidarity supports to the dominant forces, including the Israeli state.
Coloniality of power, through the rules it imposes on the solidarity movement, for instance by merging anti-Zionism and anti-Semitism, but especially by acting against the peoples it maintains under its colonial yoke, confirms, firstly, the fact that this is a form of structural violence committed against peoples ; and secondly, its desire to dismantle all forms of resistance. Coloniality of power operates by imposing an alienating war against the oppressed peoples and it presupposes that the establishment of a permanent state of externality and of ontological impoverishment is the mechanisms to ensure its power. This can be evidenced in the constant violations of international law and international humanitarian law. This is one of the weapons used by the system of hegemonic domination.

After this umpteenth, unjustified aggression, it is not enough to express our sympathy in face of another war crime that will also remain unpunished, for the dominant states, and all those who follow them, do not pay attention to the rules that are stablished based on imperative norms.

Let us not forget that, at the end of the Second World War, these imperative norms were conceived to guarantee their own endurance. More precisely, the endurance of a majoritarian euro-centered white world, that should be reproduce ad nauseam by all possible means. The aim of this set of legislation is to avoid the intrusion of the Other, while preserving the Western community from any attack that this Other may commit against it. Everything is thought to keep it outside, beyond the borders, out of the law, out of both a humanity that has been thinking exclusively in terms of « whiteness » and an ideology that emerged with the Enlightenment.

Thus, it becomes clear that we can only think Palestine in the terms of a political struggle. One of the fields that we still need to engage with is the one of Law.

The Frantz Fanon Foundation will support every legal initiative that is committed to break the chains of the legal invisibility of the Palestinian people and that seeks to recognize the inalienable rights of this people that the international community has abandoned and that the solidarity movement sometimes looks with a suspicious gaze. It is only through a struggle that both uses and transforms Law, that impunity will be seriously questioned, and denounced as a weapon of mass destruction against international law and international humanitarian Law, with dramatic consequences for the people who fight colonization, what is their right.

In this perspective, international solidarity must bring the way of Law and particularly towards the Palestinians and this against all the deleterious positions that are agitated to say that the law cannot do anything anymore.

Law is a weapon of liberation, a political weapon, a weapon of political change ; it must be constantly reminded to those who still think the world by dominating / dominated.

Of course, the action of Boycott, Divestment, Sanction must be strengthened.

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