LES RENCONTRES DE LA FONDATION FRANTZ FANON
PROGRAMME DU 9 DECEMBRE
Rencontre du 9 décembre 2015
Fanon aujourd’hui : émancipation ou guerre des civilisations
9 h 30-9 h 45
Ouverture de la journée : Présentation de la Fondation Frantz Fanon et de la problématique des rencontres
François Gèze, Fondation Frantz Fanon
9 h 45-10 h 15
Conférence inaugurale : Confrontation ou dialogue de civilisation ?
Hatem Bazian, Berkeley University
10 h 15-11 h 30
Première table ronde : Fanon philosophe, Fanon psychiatre
* Robert Young, New York University, Le théâtre révolutionnaire de Frantz Fanon et Présentation de Écrits sur l’aliénation et la liberté (recueil de textes inédits de Frantz Fanon, La Découverte, octobre 2015, sous la direction de Robert Young et de Jean Khalfa, University of Cambridge).
* Samah Jabr, psychiatre en Palestine, Exercer la psychiatrie en Palestine occupée, les enseignements de Fanon.
* Marjorie Jung, doctorante à Paris-IV, Politique, psychiatrie et poétique : la figure de l’homme nouveau dans l’œuvre de Frantz Fanon).
Modérateur : Samuel Marie-Fanon, Fondation Frantz Fanon
11 h 30-12 h 30
Deuxième table ronde : Du Sud au Nord, les résonnances différenciées du message de Fanon
* Magali Bessone, Université de Rennes-1, La réception de Frantz Fanon en France.
* Hamzat Boukari-Yabara, chercheur associé à l’EHESS, La réception de Fanon en Afrique subsaharienne : un enjeu de générations.
* Saleh Mosbah, Faculté des lettres et des sciences humaines de Sfax et Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis, La réception de Frantz Fanon dans le monde arabe.
* Cornel West (par vidéo), Princeton University, L’héritage de Fanon dans la pensée afro-américaine contemporaine.
Modérateur : François Gèze, Fondation Frantz Fanon
12 h 30-14 heures
Pause-déjeuner libre.
14 heures-15 h 15
Troisième table ronde : Fanon, poésie, littérature et engagement
* Norman Ajari, université Toulouse-Jean Jaurès, La conférence de Fanon sur « Racisme et culture », soixante ans après. Sur les imaginaires européens de l’homogénéité.
* Nelson Maldonado Torres (par vidéo), Rutgers University, Césaire, Fanon et le tournant décolonial.
* Marc-Alexandre Oho Bambe, slameur et poète (en collaboration avec Gaël Faye, slameur et poète), Fanon, guerrier silex.
* Lamine Sagna, anciennement Princeton University et université Paris VII-Denis Diderot, La poétique fanonienne dans la pensée de Cornel West.
Modérateur : Jean-Paul Rocchi, professeur à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée.
15 h 20-16 h 20
Documentaire (26 minutes) : Fanon hier, Fanon aujourd’hui : regards croisés
Présentation : Hassane Mezine, réalisateur.
16 h 30-18 h 30
Quatrième table ronde : Fanon et les crises contemporaines
* Ramon Grosfoguel, Berkeley University, Possibilités et impossibilités d’alliances politiques entre la gauche occidentale et les mouvements décoloniaux face à une crise de civilisation : quel apport de la pensée de Fanon ?
* Hamzat Boukari-Yabara, EHESS, Quel rôle de la pensée de Frantz Fanon pour une nouvelle diplomatie panafricaine ?
* Thomas Deltombe, éditeur à La Découverte, Frantz Fanon et l’islamophobie en France.
* Mireille Fanon Mendès-France, Fondation Frantz Fanon, Le concept d’universalisme revisité à la lecture de Frantz Fanon.
Modérateur : Gustave Massiah, Fondation Frantz Fanon
18 h 30-19 h 00
Clôture de la journée : Ramon Grosfoguel.
Merci de vous inscrire à l’adresse suivante :
rencontresfondationfrantzfanon@gmail.com
(aucune réponse ne sera donnée).
Intervenants et résumés de leurs interventions
Norman Ajari, La conférence de Fanon sur « Racisme et culture », soixante ans après. Sur les imaginaires européens de l’homogénéité
Docteur en philosophie, Norman Ajari est attaché temporaire d’enseignement et de recherche à l’Université Toulouse-Jean Jaurès. Ses recherches portent sur la philosophie africaine, l’histoire de la philosophie sociale et politique, et la pensée décoloniale.
Prononcée en 1956, la conférence « Racisme et culture » de Frantz Fanon a encore beaucoup à nous apprendre. Annonçant la disqualification de « modes d’exister » et de pratiques culturelles jugées exotiques comme la forme de racisme promise au plus bel avenir, elle semble évoquer les débats de l’Europe d’aujourd’hui. Cette communication se propose, à la lumière de l’actualité, de revenir sur la théorie fanonienne du racisme.
Redéfinissant la culture, non comme l’objet d’une possession, mais comme une puissance d’agir, une vitalité créatrice, Fanon décrit dans l’ensemble de son œuvre l’obsession violente de l’autoconservation comme la caractéristique des civilisations moribondes. La crainte proclamée d’une « insécurité culturelle », brandie de l’extrême droite à la gauche du champ politique français, en est une preuve. Elle apparaît comme telle dès lors qu’on admet que la quête d’une sécurité culturelle est l’inverse de la culture : le fondement de la barbarie coloniale.
Hatem Bazian, Conférence inaugurale
He is a co-founder and Professor of Islamic Law and Theology at Zaytuna College, the 1st Accredited Muslim Liberal Arts College in the United States. In addition, Prof. Bazian is a lecturer in the Departments of Near Eastern and Ethnic Studies at the University of California, Berkeley. In Spring 2012 he launched the Islamophobia Studies Journal, which is published bi-annually through a collaborative effort between the Islamophobia Research and Documentation Project of the Center for Race and Gender at the University of California at Berkeley, the Arab and Muslim Ethnicities and Diasporas Initiative for the School of Ethnic Studies at San Francisco State University ; the Center for Islamic Studies at the Graduate Theological Union, the International Centre for Muslim and non-Muslim Understanding at the University of South Australia, and Zaytuna College.
The often-cited clash of civilization thesis that is promoted by rightwing politicians and public figures is centered on extending and reformulating the already discredited notions of “scientific/biological racism” into new categories based on culture and ethnic norms, a nebulous and difficult to define terms like race itself. These cultural and ethnic norms are given fixed, sophisticated colonialist and Orientalized meanings that then get promoted in popular and political discourses. The cultural and ethnic differences are utilized to consolidate empire’s hegemonic control and unleash total war on the global south or the populations from the global south living on the margins in the global north. A clash of civilization is a prerequisite for empire’s expansion, rationalization of violence and constant direct and indirect interventions. A clash of civilization discourse makes it possible to re-configure and re-program the racialized colonial epistemic in the post-colonial period while affirming a hierarchy of human values based on a fictitious assertion of Euro-Centric universalism and uniqueness. How to view the immigration and refugee crisis, securitization policies, interventionist wars under the rubric of open-ended war on terrorism, economic and political interventions as well as social and educational projects as an extension of clash of civilization discourses ? More importantly, who, when, how, and by what methods will a response and a counter narrative be constructed that does not only respond with a critique but offer an inclusive, diverse, truly multi-epistemic in approach, that de-center the Euro-centric center, sustainable and non-hegemonic ?
Magali Bessone, La réception de Frantz Fanon en France
Philosophe, professeure de philosophie politique à l’université de Rennes 1, ancienne élève de l’ENS Paris, agrégée et docteur en philosophie, travaille sur les théories de la justice contemporaine ainsi que sur les théories de la race, du racisme et des discriminations raciales. Elle a notamment signé l’introduction de la réédition des œuvres de Frantz Fanon aux Éditions La Découverte, co-dirigé avec I. Delpla Peines de guerres (Editions de l’EHESS, 2010) et avec G. Calder et F. Zuolo How Groups Matter ? Challenges of Toleration in Pluralistic Societies (Routledge, 2014). Elle a signé récemment Sans distinction de race ? (Vrin, 2013).
L’œuvre de Fanon a d’abord été associée à la guerre d’Algérie et c’est comme compagnon de route du FLN plutôt que comme Martiniquais que Fanon a été perçu en métropole dans les années suivant immédiatement sa mort en 1961. C’est seulement dans un second temps, et par le détour de la réception anglo-saxonne, que son travail de mise au jour de l’expérience d’aliénation des Noirs, qui nourrit Peau noire, Masques blancs, a été lu en France. Ainsi la fin de l’« amnésie » sur l’Algérie, coïncidant avec l’arrivée des cultural studies et des études postcoloniales en France, a-t-elle permis à la réception de « troisième génération » de prendre toute la mesure du double enjeu qui traverse l’analyse du fait et de l’héritage colonial dans l’œuvre fanonienne : l’émancipation des « damnés de la terre » doit conjuguer à la fois décolonisation et déracialisation.
Hamzat Boukari-Yabara, La réception de Fanon en Afrique subsaharienne : un enjeu de générations
Docteur en histoire et chercheur associé à l’EHESS, il est l’auteur de Africa Unite ! Une histoire du panafricanisme (La Découverte, 2014).
Frantz Fanon est une figure centrale des études postcoloniales et afro-américaines. En revanche, la réception de son œuvre interdisciplinaire et engagée en Afrique subsaharienne, notamment dans les anciennes colonies françaises, apparaît contrariée par la persistance de schémas politiques, mentaux et idéologiques peu favorables à la diffusion de ses thèses révolutionnaires et anti-impérialistes. Pourtant, l’œuvre de Fanon a longtemps irrigué l’Afrique des années 1960 et 1970, à l’époque où des luttes d’émancipation s’incarnaient à travers des figures comme Félix Moumié pour le Cameroun, Patrice Lumumba pour le Congo, Kwame Nkrumah pour le Ghana, Amilcar Cabral pour la Guinée-Bissau ou encore Steve Biko pour l’Afrique du Sud. Si dans ce dernier pays la pensée de Fanon connaît à la fois une continuité et un renouvellement critique au gré de l’actualité, force est de constater que les programmes d’ajustement structurel imposés au cours des années 1990 dans une grande partie du continent ont dramatiquement contribué à la dépolitisation des peuples africains, et posent plus que jamais la question de la diffusion et de la réception d’une œuvre comme celle de Fanon auprès de la jeunesse africaine.
Thomas Deltombe, Frantz Fanon et l’islamophobie en France
Éditeur aux Éditions La Découverte, il est l’auteur de L’Islam imaginaire. La construction médiatique de l’islamophobie en France (1975-2005) et co-auteur de Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique (1948-1971), ouvrages publiés à La Découverte, respectivement en 2005 et 2011.
Frantz Fanon est un penseur incontournable pour appréhender le racisme d’aujourd’hui.
Ses analyses, pourtant publiées il y a plus d’un demi-siècle, dans une période que d’aucuns considèrent comme définitivement révolue, permettent de comprendre comment fonctionne le racisme en France dans les années 2010. Elles sont même plus actuelles que jamais, car elles permettent en particulier de saisir la perversité de ce qu’on appelle aujourd’hui l’islamophobie, qui n’est autre qu’un système de guerre larvée contre celles et ceux qui sont désigné.e.s comme « musulman.e.s ».
Mireille Fanon-Mendes France, Le concept d’universalisme revisité à la lecture de Frantz Fanon
Assume actuellement les fonctions de présidente de la Fondation Frantz Fanon, est aussi experte à l’ONU-Groupe de travail sur les personnes d’origine africaine.
Le concept de l’universalisme a été pensé en tant que norme applicable à l’ensemble des hommes dans une pensée fondée dans le cadre de la modernité et élaborée à partir d’une idéologie où il y a un « nous » et les « autres ». Frantz Fanon, dans son travail de psychiatre, mais aussi d’homme engagé, engage-t-il à penser un « homme nouveau » émancipé ? De quel ordre est cette émancipation et serait-elle la garantie d’un universalisme inclusif « avec », solidaire et basé sur la non-discrimination ?
Ramon Grosfoguel, The Possibilities and Impossibilities of a Political Alliances between the Westernized Left and Decolonial Movements in the Face of a Civilizational Crisis : The Relevance of Fanon’s Thought to Understand and Overcome this Political Impasse
He teaches in the Ethnic Studies Department at UC-Berkeley. He has published extensively on Decolonial Thought, Political-Economy of the World-System, International Migration and on questions of Racism, in particular, Islamophobia.
This paper takes the concept of zone of being and zone of non-being in Fanon as a conceptual framework to think about one of the major political crises in the world today, that is, the impossibility of political alliances between the Westernized Left and Decolonial Movements. This division creates all kinds of political problems to fight the hegemonic imperial/capitalist/patriarchal Westernized elites. How Fanon can give us insights into the diagnosis of the problem of divisions between two potential allies ? How his work also gives ways out of this political impasse ? The paper will attempt to answer these questions.
Samah Jabr, Exercer la psychiatrie en Palestine occupée
One of the very first female psychiatrists in Palestine, she is psychiatrist, psychotherapist and a trainer practicing in the public and the private sectors within Palestine in her native city of Jerusalem and in the West Bank. She is a graduate of the first cohort of the School of Medicine at Al Quds University and has pursued advanced training in psychiatry and child psychotherapy in Palestine, England, and France. Dr. Jabr is also trained for three years at the Israeli Institute of psycho dynamic psychotherapy and has just completed the Harvard Medical School Global Clinical Scholars Research Training Program.
Pour travailler dans les conditions d’une occupation, où la demande tant des services que des professionnels en psychiatrie est énorme, et où les ressources disponibles sont minimes – et dans un contexte où la cause la plus importante de la souffrance est politique –, le psychiatre étend le travail au-delà du confort d’une consultation clinique avec des personnes, et d’un enseignement universitaire classique, pour y intégrer un militantisme orienté vers des groupes et des institutions. Dans cette présentation, il est question d’exposer ces autres moyens d’intervention en dehors du travail classique du psychiatre. Les défis pour le professionnel qui exerce sous oppression est d’épauler chaque personne dans un processus de libération, et en même temps d’aider la société en général à se libérer. Ces processus ne sont pas exclusifs l’un de l’autre, mais s’entraînent mutuellement. Notre théorie de la santé et de la maladie se doit de se développer afin d’accueillir nos expériences concrètes dans ces deux sphères interdépendantes.
Marjorie Jung
Doctorante au Centre international d’études francophones à Paris-IV-Sorbonne, elle vient d’achever une thèse de doctorat en littératures francophones consacrée à La Figure de l’homme nouveau dans l’œuvre de Frantz Fanon. La décolonisation de l’être au prisme de la social-thérapie textuelle, sous la direction de Beïda Chikhi.
Nelson Maldonado-Torres, Césaire, Fanon, and the Decolonial Turn
He teaches in the Department of Latino and Hispanic Caribbean Studies (LHCS) and is member of the core faculty of the Comparative Literature Program at Rutgers University, New Brunswick. He is also Research Fellow in the Department of Political Sciences at the University of South Africa and member of the international board of the Frantz Fanon Foundation in Paris, France. His publications include Against War. Views from the Underside of Modernity (Duke UP, 2008), and the collection of essays La descolonización y el giro decolonial, compiled by the Universidad de la Tierra in 2011.
Even though Aimé Césaire and Frantz Fanon had divergent political and to some extent intellectual positions, it is nonetheless true that Fanon’s work is built on several key tenets of Césaire’s work. It is also possible to further understand the significance of some of Césaire’s ideas when read in light of Fanon’s work. In this presentation, I will interpret Fanon through Césaire and Césaire through Fanon, aiming to show that the principal elements of continuity among them stand out as key features of a massive decolonial turn in theory, philosophy, and critique in the twentieth-century.
Saleh Mosbah, La réception de Frantz Fanon dans le monde arabe
Professeur de philosophie politique et sociale à la faculté des lettres et des sciences humaines de Sfax et à la faculté des sciences humaines et sociales de Tunis, où il a été directeur du Département de philosophie, est le rédacteur en chef de la Revue tunisienne des études philosophiques. Ses travaux portent à la fois sur les problèmes de philosophie politique et sociale, arabo-islamiques médiévales et modernes, occidentales modernes et contemporaines.
Si l’on accepte la périodisation courante des Fanon Studies, il est nécessaire d’en affiner les traits et la transfigurer – du moins partiellement – en lui ajoutant des éléments manquants ou en nuançant d’autres éléments existant. La réception de Fanon dans le monde arabe a timidement suivi cette même périodisation : il serait possible de dire qu’après la préhistoire de la réception (1953-1961), le monde arabe a connu une période d’acceptation et de réaction à l’œuvre politique et théorique de Fanon. Mais alors que dans la plupart des régions du monde, cette période s’achève vers la fin des années 1960, dans le monde arabe elle se prolonge pour couvrir les années 1970 (pour les prisonniers palestiniens, cette période dure toujours). Le monde arabe a connu d’une manière complexe la période des biographies, celle de l’habilitation académique de la troisième période et même la quatrième, celle de l’appropriation/transfiguration/défiguration postmoderne et postcoloniale, liée à une problématique de l’hybridation et de la résistance portée par la prolifération des postcolonial studies (et leurs traductions arabes ou françaises) depuis le début des années 1990. Enfin, la cinquième période – décoloniale, cette fois – ne fait que commencer, elle fait partie de la nouvelle manière de lire Fanon : ses adeptes, ne vivant pas nécessairement dans le monde arabe, prennent en charge ses problèmes (ou une partie des problèmes de toute l’humanité) chers au Fanon des dernières pages des Damnés de la terre.
Marc Alexandre Oho Bambe (dit Capitaine Alexandre), Fanon, guerrier-Silex…
Poète tambour-slameur, intervenant en milieu scolaire, il perpétue les quêtes essentielles de ses maîtres à penser et professeurs d’espérance : le don de soi et le sens de la révolte contre toutes les injustices, la quête de l’humain, « rien que l’humain, où qu’il se trouve ». Il a publié ADN (Afriques Diaspora Négritude) et Le Chant des possibles (La Cheminante). www.capitainealexandre.com
Né Martiniquais, mort Algérien, Frantz Fanon ne cherchait « rien d’autre en l’homme, que l’homme ». Le guerrier-silex, comme le nomme Césaire dans son poème, est une figure de résistance, dont la vie se confond avec l’oeuvre, engagée et engageante. Fanon symbolise la pensée, la parole et l’action, le questionnement permanent, le sens de la révolte et de la dignité des peuples, des Damnés de la terre. Fanon fait partie de ces professeurs d’espérance combattante ayant forgé nos consciences poétiques/politiques, marqué nos esprits adolescents incandescents. Aujourd’hui encore, lire Fanon inspire des mots et des actes que nous refusons de manquer, en tant qu’artistes et en tant qu’hommes.
Lamine Sagna, La poétique fanonienne dans la pensée de Cornel West
Sociologue, chercheur au Laboratoire de changement social et politique (LSCP) de l’Université Paris-Diderot, il travaille sur la pauvreté et l’exclusion financière dans l’environnement global. Après avoir enseigné aux États-Unis, notamment à l’Université de Princeton (2002-2011), il donne des cours et des conférences à travers le monde. Depuis 2012, il navigue entre New York, Paris et Dakar, où il organise tous les deux ans des conférences « Homecoming », dans le cadre de son association Rencontre des Sénégalais pour une organisation utile des ressources de la communauté expatriée (Re-Source/Sununet).
Frantz Fanon élabore sa pensée à partir du colonialisme, et Cornel West développe sa philosophie à partir des ruines du capitalisme américain, mais tous les deux montrent avec force l’« horreur » et la « catastrophe » du passé esclavagiste. Dans des temporalités différentes, ils donnent des voies originales d’énonciation du problème de l’émancipation dans le monde, et ils tentent de repérer les conditions de possibilité du vivre ensemble. Cornel West et Frantz Fanon seraient ce que Gilles Deleuze appelle des personnages à la fois romantiques et conceptuels. Le recours au personnage conceptuel permet de saisir la présence des productions intellectuelles fanonienne dans la pensée de Cornel West ; et le recours au personnage romantique permet de montrer comment l’un et l’autre s’imprègnent des réalités que vivent leurs concitoyens pour mettre en place des systèmes d’accrochage très pratiques. En s’intéressant au rapport de West à Fanon, on peut explorer les figures marginales du citoyen, de l’activiste ou du militant. En effet, ces deux auteurs cherchent à rendre visibles les invisibles, à inscrire l’inexistant.
Cornel West
He is a prominent and provocative democratic intellectual. He is a Professor of Philosophy and Christian Practice at Union Theological Seminary and Professor Emeritus at Princeton University. He has also taught at Yale, Harvard, and the University of Paris. Cornel West graduated Magna Cum Laude from
He has written over 20 books and has edited 13. Though he is best known for his classics, Race Matters and Democracy Matters, and for his memoir, Brother West. Living and Loving Out Loud, his most recent releases, Black Prophetic Fire and Radical King, were received with critical acclaim. In 1993, Dr. West was the winner of The American Book Award.
Dr. West is a frequent guest on the Bill Maher Show, Colbert Report, CNN, C-Span and Democracy Now. He made his film debut in the Matrix – and was the commentator (with Ken Wilbur) on the official trilogy released in 2004. He also has appeared in over 25 documentaries and films including Examined Life, Call & Response, Sidewalk and Stand.
Last but certainly not least, he has made three spoken word albums including Never Forget, collaborating with Prince, Jill Scott, Andre 3000, Talib Kweli, KRS-One and the late Gerald Levert. His spoken word interludes were featured on Terence Blanchard’s Choices (which won the Grand Prix in France for the best Jazz Album of the year of 2009), The Cornel West Theory’s Second Rome, Raheem DeVaughn’s Grammy-nominated Love & War : Masterpeace, and on Bootsy Collins’ The Funk Capital of the World. His latest spoken word feature reunited him with Terence Blanchard for, “Breathless” – a tribute to the “I Can’t Breathe” movement. In short, Cornel West has a passion to invite a variety of people from all walks of life into his world of ideas in order to keep alive the legacy of Martin Luther King, Jr. – a legacy of telling the truth and bearing witness to love and justice.
Robert JC Young, Le théâtre révolutionnaire de Frantz Fanon
Julius Silver professeur de littérature anglaise et littérature comparée à New York University, ses travaux se situent au croisement de l’histoire culturelle et de la politique, de la littérature, la philosophie, la photographie, la psychanalyse et la traduction, avec un accent sur l’histoire coloniale et la théorie postcoloniale. Ses publications incluent White Mythologies. Writing History and the West (1990), Colonial Desire. Hybridity in Culture, Theory and Race (1995), Postcolonialism. An Historical Introduction (2001), Postcolonialism. A Very Short Introduction (2003), The Idea of English Ethnicity (2008), Empire, Colony, Postcolony (2015), et, avec Jean Khalfa, l’édition des Écrits sur l’aliénation et la liberté de Frantz Fanon (La Découverte, 2015). Il est rédacteur en chef de la revue bimestrielle Interventions. International Review of Postcolonial Studies. Ses œuvres ont été traduites en plus de vingt langues.
Now published for the first time, in october 2015, Fanon’s two plays surprise us : they are written without overt reference to almost anything in the world in which he lived, or to contemporary politics. Their language is surrealistic and densely metaphorical in style, developed at a high level of abstraction. However, it becomes clear that in their own way they comprise a form of revolutionary theatre, impatient with current realities which the protagonists seek to overturn. In my paper, I will explore how, characteristically, Fanon develops his radical ideas in a totally original way.