La Fondation Frantz Fanon au Forum social mondial
Tunis 26-30 mars 2013
La Fondation Frantz Fanon a organisé, avec des organisations partenaires [1], une activité autogérée
28 mars
« Islam politique et luttes sociales »
Les différents intervenants[2] étaient engagés à répondre à une série de questions identifiées dans l’argumentaire[3] présentant les objectifs de l’atelier.
Comment mieux connaître ces actrices/acteurs progressistes de la « mouvance islamiste », elles et eux-mêmes souvent habité-e-s de préjugés vis-à-vis des « altermondialistes athé-e-s », symétriques des préjugés simplistes de certains de ces derniers face aux partisans (indifférenciés) de l’islam politique ? Les dirigeants des Frères musulmans et de leurs avatars peuvent-ils tenir longtemps leur ligne résolument conservatrice face à une jeunesse qui revendique des changements urgents ? Existe-t-il un discours social et économique de rupture avec la pure logique libérale et d’intégration au marché mondial prônée par les partis islamistes conventionnels ? Quels sont les porte-paroles d’un islam politique renouvelé, articulé autour de la prise en charge des préoccupations des déshérités, d’une redistribution plus juste et d’une politique de développement résolue ? Comment ces acteurs formulent-ils leurs propositions ? Quelles pourraient être les implications en termes d’alliances et de perspectives politiques dans les pays arabes ? L’objectif est de s’interroger sur une possible ouverture de l’Islam politique aux questions de justice sociale et de transformations sociales mais aussi d’interroger le mouvement altermondialiste, dans le cadre du processus du FSM, sur sa capacité à s’emparer de la question de l’Islam politique, trop longtemps obérée et à penser la construction de nouvelles alliances.
L’Islam politique peut-il jouer le rôle qu’a joué le catholicisme dans la théorie de la libération ? Pour certains oui, mais pour d’autres dont des Soufis c’est une hérésie…. Comment relever le défi de ces contradictions ?
Les révoltes arabes ont permis que cette question très longtemps obérée au sein du mouvement altermondialiste soit prise en compte et posée « officiellement » sur la table … Ce n’était qu’un début, le débat reste ouvert et il est prévu qu’il continue.
Pour la FFF et les autres organisations partenaires, cette question doit être prise en compte par le processus des FSM qui ne peut rester campé sur des représentations erronées, voire archaïques, quant à l’Islam en général et à l’Islam politique en particulier. En définitive, ce n’est pas la religion qui est au cœur du débat, il faut éviter de s’y laisser enfermer et bien accepter que la confiance a été légitimement donnée dans des élections à des dirigeants religieux auparavant emprisonnés et torturés ; ces derniers sont, pour l’instant, incapables de répondre aux injustices du chômage, à l’absence de services publiques, à la spéculation et aux problèmes des libertés. L’objectif de la société civile alliée au mouvement altermondialiste est de rappeler, en lieu et place des dirigeants actuels, l’émergence vitale des luttes populaires pour les droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques partout au Maghreb et dans le monde arabe.
La Fondation Frantz Fanon a participé à plusieurs activités autogérées
27 mars
« Panafricanism and Afro descent »
organisé par Vida Brazil (Sénégal), avec CONE (Brésil), Abong (Brésil)
L’enjeu était de réfléchir sur les défis posés à la diaspora africaine dans la construction de l’Afrique du XXIème siècle et sur les principes à élaborer pour penser un nouvel panafricanisme respectant les diversités.
« Western intervention and the Arab Revolutions : power and resistance »
organisé par la National Lawyers Guild (Etats-Unis) et des universitaires de l’Université de Tunis
Plus de deux ans après les soulèvements populaires en Egypte et en Tunisie qui ont réussi à mettre fin à plusieurs décennies de dictatures, cette période s’avère un moment propice afin d’évaluer si les demandes de justice sociale, économique et politique émises par la jeunesse et les laissés pour compte, ont trouvé ou peuvent trouver une solution. Interrogeant le contexte mondial et régional dans lequel les révolutions arabes ont eu lieu et en accordant une attention particulière aux inégalités structurelles du système international, à la guerre sans fin déclarée « contre le terrorisme », au rôle des institutions et au poids des politiques néolibérales, les intervenants ont questionné les interventions américaines et européennes, tout comme l’impact des aides américaines et européennes, les politiques commerciales, les initiatives de la société civile mais aussi les conséquences des ventes d’armes, les pressions politico-politiciennes, et la coopération en matière de sécurité et d’intelligence afin d’analyser les impacts et les conséquences sur les révolutions arabes et sur leur évolution.
28 mars
« Event strategies for the International Decade for Afro-Descent people »
Organisé par World against racism avec Malcom X grassroots
The Durban Declaration provided a profound analysis of the historical roots of racism and new forms of racism as it emerged from the Trans-Atlantic Slave Trade with lasting consequences for a significant proportion of the world’s population who are people of African descent and constitute today the global African Diaspora.
The stated intention of the UN General Assembly to declare the International Decade for People of African Descent to commence in December 2013 is the direct result of the Durban follow up process and the insistence by People of African Descent.
The proposed theme for the Decade : Recognition, Justice, Development.
The Decade could play an instrumental role in making the alarming situation for people of African descent visible world-wide and alert against the xenophobia and all forms of discrimination against People of African Descent.
It could become a framework to adress the concentration of misery and disadvantages which people of African descent is face everywhere they live : poverty, racial discrimination and lack of access to human rights, high rates of unemployment and imprisonment, vulnerability to violence and lack of access to justice, lack of access to education-healthcare-housing, multiple forms of discrimination, and political and economic marginalization and stigmatization.
Pour la Fondation Frantz Fanon, cette décennie peut et doit, devant les attaques frontales contre les valeurs de l’universalisme dont la non-discrimination avec son corollaire l’égalité, permettre la mobilisation contre le racisme et toutes ses déclinaisons le plus odieuses. Cela est plus que jamais nécessaire et doit traverser le processus du FSM dans sa transversalité. Il est important de soutenir cette décennie ; il n’y a pas de civilisation supérieure ou inférieure, il n’y a qu’une seule civilisation, c’est celle de l’humanité tout entière et à ce sujet se pose, bien sûr, la question du rôle de l’ONU dans sa lutte contre le racisme, la xénophobie et les discriminations et de la démocratisation de son fonctionnement.
« De la décolonisation aux réparations »
Co-organisé par le CRAN avec le Collectif Correct (Collectif pour les Réparations Relatives à l’Esclavage Colonial Transtlantique), Malcom X grassroots
Avec la décolonisation, exigence de liberté et de justice, la liberté a été acquise mais qu’en est-il de la justice ? Que dire de l’esclavage, qui fut un crime contre l’humanité, reconnu comme tel à la conférence de Durban ? Que dire de la domination coloniale, des massacres, des pillages, qui continuent encore ? Ne faudrait-il pas demander réparation ? Mais quelles formes de réparations ?
Poser la question des réparations, c’est essentiellement poser la question des rapports Nord-Sud, c’est exiger une véritable justice internationale.
30 mars
« Le rôle d’Israël dans la répression au plan mondial »
Organisé par IJAN, Réseau juif international antisioniste, avec Malcom X grassroots
L’objectif était entre autres d’informer sur le rôle joué par cet Etat dans l’industrie de la violence et de la répression mais aussi de construire des campagnes de mobilisation pour dénoncer le fait qu’Israël lie ses intérêts aux forces répressives et que ces mêmes régimes coopèrent entre eux pour lutter contre les mouvements sociaux et populaires.
Les campagnes militaires de cet Etat pour maintenir l’occupation illégale de la Palestine servent de laboratoire pour développer des armes, des technologies de surveillance et des tactiques de contrôle des populations qui sont ensuite exportées dans d’autres pays, dont de nombreux pays d’Amérique du sud et centrale, en Afrique et particulièrement en Afrique du sud pendant la période de l’apartheid, en Asie du sud-ouest et du sud-est.
31mars
Rencontre
A l’initiative de Vida Brazil et en partenariat avec ABONG-CECUP (Brésil), CONEN (Brésil), ASPIRAL REGGAE (Brésil), rencontre avec ADAM, première association tunisienne contre le racisme, les discriminations à l’égard des populations d’origine africaine.
ADAM évolue dans un contexte particulier où il est, pour l’instant, quasiment impossible de faire entendre une voix sur le droit à une égalité de traitement et de non-discrimination pour les personnes d’origine africaine.
L’objectif était d’établir un partenariat et de préciser à partir de quels positionnements tant politiques que ceux portant sur l’universalité des droits de l’homme des actions pouvaient être envisagées entre les organisations présentes.
Assemblée de convergence
29 mars
Pour en finir avec le racisme, la xénophobie et les discriminations qui sont les bases du colonialisme
L’ensemble des organisations présentes dans le cadre de cette Assemblée de convergence demandent que la question du colonialisme et du racisme devienne une problématique transversale dans l’ensemble des mobilisations des mouvements sociaux.
L’héritage colonial a conduit et conduit encore aux politiques ultralibérales, aux nouvelles formes de colonisation, de domination et d’impérialisme.
C’est pourquoi nous demandons que la mobilisation sociale contre le racisme, la xénophobie et les discriminations soit renforcée afin d’obtenir leur éradication à tous les niveaux de la vie politique et sociale, que le droit aux réparations, entre autres politiques, soit reconnu et que des actions soient mises en œuvre par l’ensemble des mouvements sociaux·
· Soutenir et organiser, dans le monde entier, les politiques de lutte contre le racisme, la xénophobie et les discriminations afin de favoriser la non- discrimination avec son corollaire l’égalité
· Engager une campagne auprès des Nations Unies et des instances régionales pour qu’elles reconnaissent la nécessité des réparations relatives à la colonisation et à l’esclavage afin de « réparer » les méfaits du colonialisme dans les pays anciennement colonisés
· Obtenir de l’Union européenne qu’elle se saisisse de la question des réparations relatives à la colonisation et à l’esclavage, avec l’adoption d’une déclaration écrite pour la mise en place d’une journée pour les victimes de l’esclavage et de la colonisation
· Inciter l’ensemble des villes du monde à mettre en place une politique de transparence obligeant leurs partenaires économiques à révéler leur éventuelle participation au système colonial et au commerce triangulaire
· Fixer au 12 octobre la journée mondiale pour le droit aux réparations liées à la colonisation et à l’esclavage, afin que tous les acteurs des mouvements sociaux se mobilisent pour cette exigence de justice .
· Organiser une semaine anticoloniale mondiale dans le cadre du processus des forums sociaux mondiaux
Conseil Représentatif des Associations Noires(CRAN),France ; ADAM, Tunisie ; Africavenir, réseau international ; Alternative espace citoyen, Niger ; CAAC, Comores ; Colonialism Reparation, réseau international ; Fondation Frantz Fanon, réseau international ; IDH Sud, Tunisie ; Malcolm X Grassroots Movement, USA ; Progressive Pupil, Canada ; Sortir du colonialisme, France ; Vida Brasil, Brésil ; World Against Racism, réseau international
30 mars
Religion et Emancipation
L’Assemblée de convergence, dans un premier temps, a été l’occasion de revenir sur les divers aspects de la thématique, Religion et émancipation, traités lors des activités autogérées.
Le thème « Religion et émancipation » avait été pensé pour éviter une centration sur l’Islam et ouvrir le débat sur la question d’une religion porteuse d’émancipation et de transformations sociales.
De manière unanime, la dimension politique du Forum a été soulignée.
Des approches différentes ont émergé : certaines étant centrées sur la problématique « féminisme et laïcité », sur la place de la femme dans l’Islam pour refuser l’idée que le féminisme ne s’inscrit pas uniquement dans la laïcité ; sur le besoin de déconstruire les nombreuses représentations généralisantes de façon à ne pas oublier la complexité des mots et des concepts afin de refuser l’instrumentalisation aussi bien de la laïcité que de l’Islam et d’autres ont porté sur ce que les religions portent en elles de valeurs et sur ce que devrait être un dialogue interreligieux, sans oublier l’interrogation sur la discussion et l’interprétation des textes sacrés.
D’autres ont porté sur l’interrogation d’un Islam politique vecteur de transformations sociales et de changement de paradigmes. L’Islam peut-il être ce que le catholicisme a été à la théorie de la libération ? Cette position a été mise en débat pour mettre en exergue l’impérative nécessité de cesser de stigmatiser l’Islam, ce qui, à terme, rend impossible toute dynamique de résistance et de construction d’un Islam politique portant les revendications de tous les jeunes qui ont obtenu le départ des dictateurs qui les privaient du droit à la justice sociale et à la dignité humaine. Dans quelle conception de libération sociale s’inscrit l’Islam ? Quelles seraient les conditions d’un Islam ouvrant sur les transformations sociales ?
Ces échanges ont permis de mettre en relief des interrogations qui se situent à des niveaux très différents. La question restée en-suspend est de savoir comment réduire ces écarts et comment répondre à la question : la religion peut-elle permettre la construction de dynamiques de changement qui s’inscrivent dans ce qui fait sens dans le mouvement altermondialiste demandant un autre monde et dès lors quelles alliances envisager et construire ?
Dans un second temps, l’Assemblée de convergence a identifié des actions communes qui pourraient être portées par les organisations présentes avant le prochain Forum social mondial et qui reflètent l’état des réflexions élaborées lors des activités autogérées articulées autour d’Islam politique, rôle de la religion…
1. Organiser, avant le prochain forum social mondial, un Forum autour du thème « Religion et Emancipation ». Plusieurs intitulés ont été proposés : « Vivre ensemble » ; « les questions de l’islam politique » ; « le rapport entre les courants religieux et les alliances politiques » ; « le rapport entre spiritualité et émancipation »
2. Inscrire l’islam politique dans le champ de l’altermondialisme mais il serait aussi intéressant de s’interroger sur la possibilité pour l’altermondialisme de construire des alliances et des ponts de convergence, chemin faisant, avec l’idéologie portée par l’Islam et ses différents courants
3. Renforcer le réseau Religion et Emancipation à l’échelle mondiale mais aussi entre les deux rives de la Méditerranée
4. Mettre en place un dialogue interreligieux avec l’organisation d’ateliers de dialogue et de compréhension entre toutes les religions et les non-religieux dans tous les autres forums
5. Identifier l’impact et le rôle de la religion dans les banlieues et les quartiers populaires
45 organisations présentes dont
Association des Jeunes Musulmans en Côte d’Ivoire (AJMCI) ; Association des Tunisiennes Engagées de France (ATEF) ; CCFD-Terre Solidaire ; Centre d’Action Laïque (CAL) ; Citoyenneté et Spiritualité Musulmane (CSM) ; Commission Islam et Laïcité ; Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie (CRI) ; Fédération Humaniste Européenne (FHE) ; Fondation Frantz Fanon ; Initiatives Pour un Autre Monde (IPAM) ; Jeunes Tunisiens de France (JTF) ; Missionari e missionarie comboniani ; Musulmanes En Mouvement ; National Lawyers Guild–IADL ; Norway Social Forum ; Participation et Spiritualité Musulmane (PSM) ; Voice of Women for Peace and Faith ; World Forum on Theology and Liberation (WFTL).
Plus de quatre-vingt personnes, 12 nationalités