Haïti, quelles questions ?

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Depuis de nombreuses années, Haïti est déstabilisé par une crise politique, à laquelle il faut ajouter les crises humanitaire, socio-économique et sécuritaire, au point que l’actuel Premier ministre, Ariel Henry, nommé deux jours avant l’assassinat de Jovenel Moïse, a lancé un appel à la communauté internationale, en septembre dernier, pour la mise en place d’une force armée internationale devant assurer le déblocage du Varreaux Fuel Terminal, bloqué par le Gang G9 afin d’assurer la distribution d’eau, l’acheminement  d’équipements médicaux et d’éviter les épidémies. Ce blocage fait suite à la décision du gouvernement d’augmenter substantiellement le prix du carburant.

 À la demande du FMI, depuis 2018, plusieurs tentatives de réduction des subventions de l’Etat sur les produits pétroliers avaient mis le pays à l’arrêt et jeté le peuple haïtien dans les rues. Pour contenir cette pression populaire, l’actuel Premier ministre, en juillet 2022, a décidé de répondre aux injonctions du FMI dans la perspective d’obtenir, à terme, une tranche supérieure de crédit avec pour conséquences des énièmes réformes économiques.

L’extrême pauvreté touche une grande partie de la population, le choléra vient de faire sa réapparition, les systèmes de santé et d’éducation sont totalement défaillants, les entreprises de production inexistantes. Mais le FMI, pragmatique et cynique, compte sur les flux continus d’envois de fonds par la diaspora pour se rembourser. Peu importe que la mise en place de politiques d’ajustement structurel ait déjà montré son inefficacité dans nombre de pays du Sud.

Le pays va continuer à s’enfoncer, sa souveraineté sera encore rognée, les politiques publiques seront encore réduites, l’Etat et ses bailleurs auront beau jeu de continuer à infantiliser le peuple haïtien. Le seul appel d’air viendra d’ONG qui, pour certaines d’entre elles, profitent des fonds donnés par les bailleurs au point que Le Monde dans un article du 9 janvier 2020 avait titré « Comment Haïti est devenu la République des ONG »; dans un contexte de pauvreté, de précarisation et de déshumanisation imposées par certains acteurs extérieurs, le nombre de gangs dans l’espace social et politique s’est accru et leur violence semble sans limite.

Si la communauté internationale veut vraiment aider Haïti autrement que par des déclarations compassionnelles, elle devrait œuvrer pour l’annulation totale et immédiate de la dette publique extérieure du pays, l’abandon des politiques économiques libérales tout en exigeant le remboursement de la dette illégale payée par Haïti à la France ainsi que la restitution des 500 mille dollars (de l’époque) constituant les réserves d’or volées dans la Banque nationale de la République d’Haïti, en décembre 1914, par les Américains, après dix ans d’occupation.

Si cette même communauté internationale défendait réellement l’un des principes fondateurs de la Charte des Nations Unies, elle exigerait la mise en œuvre effective de « (…) l’égalité des droits (…) des nations grandes et petites » et cesser de participer à la mise sous tutelle de certains pays par les IFI -ou par leurs anciens colonisateurs- et à l’asservissement d’Etats car cela remet en cause leur droit à l’autodétermination et leur souveraineté, principe non négociable.  

En attendant la rue s’enflamme et la crise pèse encore plus sur la vie des Haïtiens. Le Secrétaire général de l’ONU enfourche la demande du Premier ministre et exhorte le Conseil de Sécurité à envoyer une force armée internationale afin de rétablir l’ordre « par la force » afin d’assurer les services essentiels.

Cet appel a également trouvé un écho favorable auprès de la représentante spéciale de l’ONU pour Haïti, Helen La Lime. Est-ce par l’envoi d’une force armée étrangère que l’ONU pense désamorcer la crise sévissant en Haïti ? Est-ce ainsi qu’elle peut prétendre parvenir ne serait-ce qu’aux deux premiers objectifs de développement durable d’ici 2030 ?

En soutenant l’intervention d’une force armée, comment cette institution et la communauté internationale vont-elles aider à la « promotion de l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous » (objectif 16) ? La situation en Haïti souligne encore plus les paradoxes mortifères traversant à la fois cette institution et ses agences mais aussi la communauté internationale, certaines ONG et la société civile.  

Cette intervention résoudra-t-elle les problèmes structurels auxquels les Haïtiens font face alors qu’ils sont majoritairement contre toute ingérence étrangère ? Ils ont encore en mémoire l’expérience désastreuse des armées nord-américaines, françaises ou canadiennes qui, au lendemain du tremblement de terre, sont venues « aider ».

En janvier 2010, les forces états-uniennes ont déployé plus de 550 hommes, renforçant les effectifs militaires déjà présents -quelques 2200 Marines- pour sécuriser l’espace public, entre autres l’aéroport mais aussi l’aide alimentaire et les ONG, dont USAID, et permettre à la MINUSTAH de poursuivre sa mission de stabilisation; on sait le rôle délétère de cette dernière et sa responsabilité dans la propagation du choléra qui a fait plus de 10 000 victimes.

Ces forces avaient été déployées dans le cadre du commandement US Southcomdont Haïti dépend ; son pendant en Afrique est l’US Africacom. La France n’a pas été en reste, elle a envoyé des éléments de l’armée de l’air, de la Marine et a œuvré pour que l’Union européenne déploie la force européenne de gendarmerie -FGE- pour participer à la sécurisation.

On peut s’interroger sur la pertinence de l’intervention de forces armées étrangères pour prendre en charge, dans le contexte d’une crise humanitaire, la sécurité d’un pays. Tout comme sont hautement problématiques les interventions armées d’un pays dans un autre, au nom de la ‘démocratie’. Il serait temps que l’humanitaire ne soit ni militarisé ni prétexte à une occupation longue d’un pays.

Depuis 2001, à force d’avoir conceptualisé la sécurité globale, la quasi seule réponse est l’envoi de forces armées étrangères sur le terrain, dans la plupart des cas en violation des principes fondateurs de la Charte des Nations Unies. On a vu cela en Afghanistan, en Irak, au Mali, au Burkina Faso et dans d’autres pays…

Une telle décision serait catastrophique pour le peuple d’Haïti et risque de déboucher sur un crime de masse à l’occasion de confrontations entre cette force armée internationale et les gangs qui ne se laisseront certainement pas déposséder de leurs armes, de leurs territoires et de leur pouvoir.

Depuis le 17 octobre dernier, le Conseil de sécurité a mis en place, par la résolution 2653, un régime de sanctions contre des responsables de gangs, dont le plus puissant, le G9+ et alliés, comme cela a été fait en 2017 au Mali et récemment contre des oligarques russes. N’est-il pas incohérent de proposer des solutions identiques à des situations totalement différentes ?

D’un côté, des militaires dans le cadre d’un coup d’Etat, des oligarques dans le contexte d’une guerre illicite -au regard du droit international dont l’article 2§4 de la Charte des Nations Unies- et dans l’autre des membres de gangs dans le cadre d’une crise interne, fût-elle dramatique ! Pourquoi ne pas envoyer une force armée internationale dans tous les pays où les gangs sévissent ?

Pour en revenir à cette demande d’intervention armée, elle ne réduira certainement pas l’impact des gangs sur la vie des Haïtiens et ne résoudra pas le problème de l’illégitimité du Premier ministre ou de l’impéritie des services publics.

Si le pays est confronté au règne des gangs, cela n’est pas nouveau ; ainsi au moment de la chute de Jean-Claude Duvalier, en 1986, les bandes armées se sont transformées en structures paramilitaires et sont devenues un acteur important de la vie sociale et un interlocuteur privilégié du pouvoir.

Certains gangs sont protégés et financés par des membres de la police et des gouvernements successifs, ce qui leur permet de contrôler actuellement plus d’un tiers du pays et parfois des quartiers entiers de Port-au-Prince.

Pour l’heure, les forces armées prêtes à aller « secourir » Haïti, première République noire à s’être libérée de la mise en esclavage et de la colonisation, ne semblent pas encore sur place, mais cela ne saurait tarder. Des représentants des Etats Unis et du Canada affirment en effet que « des avions militaires américains et canadiens sont arrivés à Port-au-Prince, en Haïti, pour transporter de l’équipement de sécurité essentiel, acheté par le gouvernement haïtien. Cet équipement inclut notamment des véhicules tactiques et blindés, ainsi que des provisions. La livraison de l’équipement faisait partie d’une opération conjointe impliquant des avions de l’Aviation royale canadienne et de l’armée de l’air américaine”. Avec, à n’en pas douter, un certain nombre d’instructeurs militaires et de forces d’intervention dans leurs soutes.

Si besoin, la République dominicaine pourra prêter main forte à ce dispositif d’intervention puisqu’elle vient de se doter d’une série de véhicules et d’aéronefs de classe militaire ainsi que l’a souligné le Président, Luis Abinader le 9/10 dernier:  « Nous faisons un achat très important dans différents domaines, à la fois pour l’armée de l’air et l’armée de terre, pour renforcer nos capacités de défense de notre pays».

Au vu des mauvais traitements infligés aux migrants haïtiens en République dominicaine, on devine aisément le véritable objectif de ces acquisitions de matériel militaire ; un mur de plus de 200 kilomètres de long est en effet en construction depuis le début de cette année et, pour reprendre les propos du président dominicain, « ce matériel de rétorsion et de surveillance sera utile pour prendre soin de notre territoire et pour que le monde sache que la solution au problème d’Haïti est l’œuvre collective de la communauté internationale et pas seulement de la République dominicaine. » 

Pour l’heure, l’Etat dominicain se borne à traquer, à violenter et à chasser sans relâche les migrants haïtiens afin de se conformer à la volonté des Etats-Unis désireux d’endiguer le flux des migrants haïtiens. Cette crise peut en outre leur fournir un moyen potentiel de pression sur les autres Etats de la Caraïbe tentés de suivre les exemples du Brésil, du Chili et de la Colombie. Elle leur donne aussi le droit de rêver d’ajouter, après Porto Rico, une nouvelle étoile à leur drapeau.

Tout cela est cohérent avec la volonté d’ajouter un volet humanitaire à leur doctrine militaire, quitte à remettre en cause le droit international et le droit humanitaire international. Malgré ces dangers, les Nations Unies, en dépit de leurs objectifs totalement contraires, ne semblent pas en mesure de s’opposer à ce projet meurtrier. Preuve s’il en faut qu’il y a urgence à réformer cette institution internationale qui ne sert que les intérêts des dominants.

Pendant ce temps, le courageux peuple haïtien luttant pour sa souveraineté, étouffe sous les crises structurelles. Ici continue à s’exprimer à la fois la colonialité du pouvoir et celle de l’Etat sur un pays qui, le premier, a fondé une république noire.

Haïti serait-elle inconsciemment punie pour cette insulte à la suprématie blanche ? On a bien le droit de se demander pourquoi les principes fondateurs de la Charte des Nations Unies y sont quasiment inapplicables. Il importe de rappeler que tout cela a lieu pendant la décennie des personnes d’ascendance africaine lancée en 2015 par la communauté internationale pour combattre le racisme structurel. 

Voilà pourquoi le quasi silence des Afro-descendants et des Africains face à la situation d’Haïti ne cesse d’interroger; ce pays serait-il déjà passé à nos yeux de l’autre côté du réel ? Il est pourtant clair que ce qui arrive aux Haïtiens dit quelque chose des Africains et des Afro-descendants. C’est de la même manière que les indépendances africaines conquises dans le sang et les larmes sont piétinées par le système financier libéral et les transnationales. Cela souligne aussi le fait que le racisme structurel est toujours présent dans tous les interstices d’un système qui ne cesse de nier la dignité des Africains et des Afro-descendants.

Un tel constat oblige, si l’on veut abolir le paradigme de la domination blanche, à faire front ensemble face à ce même racisme structurel. Dans le cas d’Haïti, cela veut dire exiger des réparations ainsi que la restitution de l’argent de la dette coloniale et de l’or volé par les Américains en 1914. C’est là le combat commun contre la colonialité du droit aussi bien international que national. La dignité de millions de personnes et la souveraineté de très nombreux Etats sont à ce prix.

Mireille Fanon Mendes France, co-présidente, Fondation Frantz Fanon, Martinique/France

Boubacar Boris Diop, écrivain, Sénégal


Haiti, which questions ?

For many years, Haiti has been destabilized by a political crisis, to which must be added the humanitarian, socio-economic and security crises, to the point that the current Prime Minister, Ariel Henry, appointed two days before the assassination of Jovenel Moïse, launched an appeal to the international community last September for the establishment of an international armed force to unblock the Varreaux Fuel Terminal held by the G9 Gang in order to ensure the distribution of water, the delivery of medical equipment and to prevent epidemics. This blockade follows the government’s decision to substantially increase the price of fuel.

At the request of the IMF, since 2018, several attempts to reduce state subsidies on petroleum products had brought the country to a halt and pushed the Haitian people into the streets. To contain this popular pressure, the current Prime Minister, in July 2022, decided to respond to the injunctions of the IMF with a view to obtaining, in the long term, a higher tranche of credit with the consequences of yet more economic reforms.

Extreme poverty affects a large part of the population, cholera has just reappeared, the health and education systems are totally failing, production companies are non-existent. But the IMF, pragmatic and cynical, is counting on the continuous flow of remittances from the diaspora to pay itself back. It does not matter that the implementation of structural adjustment policies has already shown its inefficiency in many countries of the South.

The country will continue to sink, its sovereignty will be further eroded, public policies will be further reduced, and the State and its donors will have no problem continuing to infantilize the Haitian people. The only windfall will come from NGOs, some of which benefit from funds donated by donors, to the point that Le Monde, in an article dated January 9, 2020, entitled « How Haiti became the Republic of NGOs »; in a context of poverty, precariousness and dehumanization imposed by certain external actors, the number of gangs in the social and political space has increased and their violence seems to have no limits.

If the international community really wants to help Haiti in ways other than compassionate declarations, it should work for the total and immediate cancellation of the country’s foreign public debt, the abandonment of liberal economic policies while demanding the repayment of the illegal debt paid by Haiti to France as well as the restitution of the 500,000 dollars (at the time) constituting the gold reserves stolen from the National Bank of the Republic of Haiti in December 1914 by the Americans, after ten years of occupation.

If this same international community really defended one of the founding principles of the United Nations Charter, it would demand the effective implementation of « (…) the equal rights (…) of nations large and small » and stop participating in the trusteeship of certain countries by the IFIs -or by their former colonizers- and in the subjugation of States because this calls into question their right to self-determination and their sovereignty, a non-negotiable principle 

In the meantime, the streets are burning and the crisis is weighing even more heavily on the lives of Haitians. The UN Secretary General is following the Prime Minister’s request and is urging the Security Council to send an international armed force to restore order « by force » to ensure essential services.

This call was also echoed by the UN Special Representative for Haiti, Helen La Lime. Is it by sending a foreign armed force that the UN thinks it can defuse the crisis in Haiti? Is this how it can claim to achieve even the first two Sustainable Development Goals by 2030?

By supporting the intervention of an armed force, how will this institution and the international community will they help « to promote peaceful and inclusive societies for sustainable development, ensure access to justice for all and build effective, accountable and inclusive institutions at all levels » (Goal 16)? The situation in Haiti further highlights the deadly paradoxes that run through this institution and its agencies, but also through the international community, certain NGOs and civil society.

Will this intervention solve the structural problems that Haitians face, even though the majority of them are against any foreign interference? They still remember the disastrous experience of the North American, French or Canadian army who, in the aftermath of the earthquake, came « to help« .

In January 2010, the U.S. forces deployed more than 550 men, reinforcing the military forces already present – some 2,200 Marines – to secure the public space, including the airport, but also the arrival of food aid and NGOs, including USAID, and to allow MINUSTAH to continue its stabilization mission; we know the deleterious role of the latter and its responsibility for the spread of cholera, more than 10,000 people have been victims.

These forces were deployed as part of the U.S. Southcom command, to which Haiti belongs ; its counterpart in Africa is the U.S. Africacom. France was not left out, sending members of the air force and the navy, and working so that European Union deploy the European Gendarmerie Force (EGF) to participate in the security operation.

One may question the relevance of the intervention of foreign armed forces to take charge, in the context of a humanitarian crisis, of the security of a country. Just as armed interventions by one country in another in the name of ‘democracy’ are highly problematic. It is time that humanitarian aid is neither militarized nor used as a pretext for a long occupation of a country.

Since 2001, by dint of having conceptualized the global security, the only response has been to send foreign armed forces on the ground, in most cases in violation of the founding principles of the United Nations Charter. We have seen this in Afghanistan, Iraq, Mali, Burkina Faso and other countries…

Such a decision for the people of Haiti would be catastrophic and could lead to a mass crime during confrontations between this international armed force and the gangs who will certainly not let themselves be dispossessed of their weapons, their territories and their power.

Since October 17, the Security Council has put in place, through resolution 2653, a regime of sanctions against gang leaders, including the most powerful, the G9+ and allies, as it was done in 2017 against Mali and recently against Russian oligarchs. Isn’t it inconsistent to propose identical solutions to totally different situations?

On the one hand, the military in the context of a coup d’état, oligarchs in the context of an illicit war – with regard to International Law, in particular Article 2§4 of UN Charter-, and on the other hand, gang members in the context of an internal crisis, even if it is dramatic! Why not send an international armed force to all countries where gangs are present?

To return to this request for armed intervention, it will certainly not solve the impact of the gangs on the lives of Haitians, nor the problem of illegitimacy of the Prime Minister nor the imperiousness of the public services.

If the country is confronted with the reign of gangs, this is not new; thus, at the time of the fall of Jean Claude Duvalier, in 1986, the armed gangs were transformed into paramilitary structures and became an important actor in the social life of the country, and a privileged interlocutor of the power.

Some gangs are protected and financed by members of the police and successive governments, which allows them to currently control more than a third of the country and sometimes completely certain neighborhoods of Port-au-Prince.

For the time being, the armed forces ready to ‘rescue Haiti, the first black republic to free itself from enslavement and colonization, do not seem to be on site, but this could be done soon. Representatives of the United States and Canada state that « today, American and Canadian military planes arrived in Port-au-Prince, Haiti, to transport essential security equipment purchased by the Haitian government. The equipment includes tactical and armored vehicles, as well as supplies. The equipment delivery was part of a joint operation involving aircraft from the Royal Canadian Air Force and the U.S. Air Force ».

With, no doubt, a number of military instructors and intervention forces in their aircraft bunkers.

If necessary, the Dominican Republic will be able to lend a hand to this intervention mechanism, since it has just acquired a series of vehicles and military class aircraft, as the President, Luis Abinader, pointed out last 9 October: « We are making a very important purchase in different areas, both for the air force and the army, to strengthen our country’s defense capabilities« .

In view of the mistreatment of Haitian migrants in the Dominican Republic, it is easy to see the real purpose of these military purchases; a wall of more than 200 kilometers long has been under construction since the beginning of this year. « This retaliatory and surveillance equipment will be useful », as the President of the Dominican Republic states, « to take care of our territory and to let the world know that the solution to the problem of Haiti is the collective work of the international community and not only of the Dominican Republic »

For the time being, the Dominican state is simply hunting down, abusing and relentlessly chasing Haitian migrants in order to comply with the will of the United States to stem the flow of Haitian migrants. This crisis can also provide them with a potential means of pressure on other Caribbean states tempted to follow the examples of Brazil, Chile and Colombia. It also gives them the right to dream of adding a new star to their flag, after Puerto Rico.

All of this is consistent with the desire to add a humanitarian component to their military doctrine, even if it means calling into question international law and international humanitarian law. In spite of these dangers, the United Nations, in spite of their totally contrary objectives, do not seem to be able to oppose this deadly project. Proof if it were needed that there is an urgent need to reform this international institution which only serves the interests of the dominant.

Meanwhile, Haiti and its courageous people struggling for a sovereign and independent country, suffocates under structural crises, seeks solutions questioning both the terms of solidarity and international aid that can not be satisfied with imposing models, questions the role of the UN and its agencies and questions the posture of the international community, which adopts an overhanging position towards the Haitian people; Here continues to be expressed both the coloniality of power and the coloniality of Being over a country that was the first to found a black republic.

Is Haiti being unconsciously punished for this insult to white supremacy? One has the right to ask why the founding principles of the United Nations Charter are almost inapplicable there. Let us not forget that all this is happening, while the international community launched in 2015 a decade for people of African descent to fight against structural racism. 

This is why the near silence of Afro-descendants and Africans about the situation in Haiti does not cease to question; would this country have already passed to the other side of reality ?

It is however clear that what is happening to Haitians speaks to what is happening to Africans and Afro-descendants everywhere; one must pay close attention to the way in which the Haitian people’s right to self-determination and sovereignty is being treated; it informs how this right, acquired in the blood and tears of those who fought for independence, is currently being deregulated and unstructured by the liberal financial system and transnational corporations. It also underlines the fact that structural racism is still present in all the interstices of a system that does not cease to deny the dignity of Africans and Afro-descendants.

This observation obliges Afro-descendants and Africans who wish to abolish the paradigm of white domination to unite, in a pan-African political solidarity perspective, in a fight against structural racism.  Breaking through the wall of invisibility and indignity installed by the system carried by white supremacy supposes first of all to demand the setting up a collective decolonial process for reparations for HaIti to which will be associated the demand for the restitution of the colonial debt money and the return of the stolen gold. This requires a common struggle against the coloniality of both international and national law in order to break down all the barriers that preclude the right to dignity and equality of millions of people and the right to self-determination and sovereignty of many states.

Mireille Fanon Mendes France, co-chair Frantz Fanon Foundation, Martinique/France

Boris Boubacar Diop, author, Senegal


Haití, ¿qué preguntas?

Desde hace muchos años, Haití está desestabilizado por una crisis política, a la que se añaden crisis humanitarias, socioeconómicas y de seguridad, hasta el punto de que el actual Primer Ministro, Ariel Henry, nombrado dos días antes del asesinato de Jovenel Moïse, lanzó el pasado mes de septiembre un llamamiento a la comunidad internacional para la creación de una fuerza armada internacional que garantice el desbloqueo del Varreaux fuel terminal, bloqueado por la Banda del G9, con el fin de garantizar la distribución de agua, el transporte de material médico y evitar epidemias. Este bloqueo se produce tras la decisión del gobierno de aumentar sustancialmente el precio del combustible.

A petición del FMI, desde 2018, varios intentos de reducir los subsidios estatales a los productos derivados del petróleo habían paralizado el país y lanzado al pueblo haitiano a las calles. Para contener esta presión popular, el actual Primer Ministro decidió, en julio de 2022, responder a los requerimientos del FMI con el fin de obtener, a largo plazo, un tramo de crédito más elevado con las consecuencias de más reformas económicas.

La pobreza extrema afecta a una gran parte de la población, el cólera acaba de reaparecer, los sistemas sanitario y educativo son totalmente deficientes y las empresas de producción son inexistentes. Pero el FMI, pragmático y cínico, cuenta con el flujo continuo de remesas de la diáspora para reembolsarse. No importa que la aplicación de las políticas de ajuste estructural ya haya demostrado su ineficacia en muchos países del Sur.

El país seguirá hundiéndose, su soberanía se erosionará aún más, las políticas públicas se reducirán aún más y el Estado y sus patrocinadores no tendrán ningún problema en seguir infantilizando al pueblo haitiano. Las únicas ganancias provendrán de las ONG, algunas de las cuales se benefician de los fondos donados por los donantes, hasta el punto de que Le Monde, en un artículo del 9 de enero de 2020, titulaba « Cómo Haití se ha convertido en la República de las ONG »; en un contexto de pobreza, inseguridad y deshumanización impuesto por ciertos actores externos, el número de bandas en el ámbito social y político ha aumentado, y su violencia parece no tener límites.

Si la comunidad internacional quiere realmente ayudar a Haití de otra manera que con declaraciones compasivas, debería trabajar por la anulación total e inmediata de la deuda pública externa del país, el abandono de las políticas económicas liberales, exigiendo al mismo tiempo el reembolso de la deuda ilegal pagada por Haití a Francia, así como la devolución de los 500.000 dólares (de la época) que constituían las reservas de oro robadas al Banco Nacional de la República de Haití en diciembre de 1914 por los estadounidenses, tras diez años de ocupación.

Si esta misma comunidad internacional defendiera realmente uno de los principios fundadores de la Carta de las Naciones Unidas, exigiría la aplicación efectiva de « (…) la igualdad de derechos (…) de las naciones grandes y pequeñas » y dejaría de participar en la tutela de ciertos países por las IFI -o por sus antiguos colonizadores- y en la esclavización de los Estados, porque esto pone en entredicho su derecho a la autodeterminación y su soberanía, un principio innegociable.

Mientras tanto, las calles están en llamas y la crisis pesa aún más en la vida de los haitianos. El Secretario General de la ONU respaldó la petición del Primer Ministro e instó al Consejo de Seguridad a enviar una fuerza armada internacional para restablecer el orden « por la fuerza », con el fin de proporcionar los servicios esenciales.

Este llamamiento también ha encontrado el favor de la Representante Especial de la ONU para Haití, Helen La Lime. ¿Cree la ONU que puede desactivar la crisis de Haití enviando una fuerza armada extranjera? ¿Es esta la manera de alcanzar siquiera los dos primeros Objetivos de Desarrollo Sostenible para 2030?

Apoyando la intervención de una fuerza armada, ¿cómo van a ayudar esta institución y la comunidad internacional a « promover sociedades pacíficas e inclusivas para el desarrollo sostenible, facilitar el acceso a la justicia para todos y crear instituciones eficaces, responsables e inclusivas a todos los niveles » (Objetivo 16)? La situación en Haití subraya aún más las paradojas mortales que atraviesan tanto esta institución y sus agencias, como la comunidad internacional, algunas ONG y la sociedad civil.

¿Resolverá esta intervención los problemas estructurales a los que se enfrentan los haitianos, que se oponen mayoritariamente a la injerencia extranjera? Aún recuerdan la desastrosa experiencia de los ejércitos norteamericano, francés y canadiense que vinieron a « ayudar » tras el terremoto.

En enero de 2010, las fuerzas estadounidenses desplegaron más de 550 hombres, reforzando las fuerzas militares ya presentes -unos 2.200 marines- para asegurar el espacio público, incluido el aeropuerto, pero también la ayuda alimentaria y las ONG, entre ellas USAID, y permitir a la MINUSTAH continuar su misión de estabilización; conocemos el papel deletéreo de esta última y su responsabilidad en la propagación del cólera, que se ha cobrado más de 10.000 víctimas.

Estas fuerzas se habían desplegado bajo el mando del US Southcom, del que depende Haití; su homólogo en África es el US Africacom. Francia no se quedó al margen, enviando elementos de la fuerza aérea y la marina y trabajando para que la Unión Europea desplegara la Fuerza de Gendarmería Europea (FGE) para participar en la operación de seguridad.

Cabe preguntarse por la pertinencia de la intervención de fuerzas armadas extranjeras para hacerse cargo de la seguridad de un país en el contexto de una crisis humanitaria. Del mismo modo que la intervención armada de un país en otro en nombre de la « democracia » es muy problemática. Ya es hora de que la acción humanitaria no se militarice ni se utilice como pretexto para una larga ocupación de un país.

Desde 2001, a fuerza de haber conceptualizado la seguridad global, la única respuesta ha sido enviar fuerzas armadas extranjeras sobre el terreno, en la mayoría de los casos violando los principios fundacionales de la Carta de las Naciones Unidas. Lo hemos visto en Afganistán, Irak, Malí, Burkina Faso y otros países…

Tal decisión sería catastrófica para el pueblo de Haití y podría conducir a asesinatos en masa en los enfrentamientos entre esta fuerza armada internacional y las bandas, que sin duda no permitirán que se les despoje de sus armas, sus territorios y su poder.

Desde el 17 de octubre del año pasado, el Consejo de Seguridad ha puesto en marcha, a través de la resolución 2653, un régimen de sanciones contra los líderes de las bandas, incluidos los más poderosos, el G9+ y aliados, como se hizo en 2017 en Malí y recientemente contra los oligarcas rusos. ¿No es incoherente proponer soluciones idénticas para situaciones totalmente diferentes?

Por un lado, los militares en el contexto de un golpe de Estado, los oligarcas en el contexto de una guerra ilegal -según el derecho internacional, incluido el artículo 2§4 de la Carta de la ONU- y, por otro, los miembros de bandas en el contexto de una crisis interna, ¡aunque sea dramática! ¿Por qué no enviar una fuerza armada internacional a todos los países con presencia de bandas?

Volviendo a este llamamiento a la intervención armada, ciertamente no reducirá el impacto de las bandas en la vida de los haitianos, ni resolverá el problema de la ilegitimidad del Primer Ministro o la ineficacia de los servicios públicos.

Si el país se enfrenta al reino de las bandas, esto no es nuevo; así, en el momento de la caída de Jean-Claude Duvalier en 1986, las bandas armadas se transformaron en estructuras paramilitares y se convirtieron en un actor importante de la vida social y en un interlocutor privilegiado de las autoridades.

Algunas bandas están protegidas y financiadas por miembros de la policía y de los sucesivos gobiernos, lo que les permite controlar actualmente más de un tercio del país y a veces barrios enteros de Puerto Príncipe.

Por el momento, las fuerzas armadas dispuestas a ir a « rescatar » a Haití, la primera república negra que se liberó de la esclavitud y la colonización, no parecen estar aún sobre el terreno, pero lo estarán pronto. Funcionarios estadounidenses y canadienses afirman que « aviones militares estadounidenses y canadienses han llegado a Puerto Príncipe, Haití, para transportar equipos de seguridad críticos adquiridos por el gobierno haitiano. El equipo incluye vehículos tácticos y blindados, así como suministros. La entrega de los equipos formó parte de una operación conjunta en la que participaron aviones de la Real Fuerza Aérea Canadiense y de la Fuerza Aérea estadounidense« . Con, sin duda, varios instructores militares y fuerzas de intervención en sus bodegas.

En caso de necesidad, la República Dominicana podrá echar una mano a este dispositivo de intervención, ya que acaba de adquirir una serie de vehículos y aviones militares, como señaló el Presidente, Luis Abinader, el 9 de octubre: « Estamos haciendo una compra muy importante en diferentes áreas, tanto para la fuerza aérea como para el ejército, para fortalecer las capacidades de defensa de nuestro país« .

Dado el maltrato que sufren los migrantes haitianos en la República Dominicana, es fácil ver el verdadero propósito de estas compras militares; desde principios de este año se está construyendo un muro de más de 200 kilómetros de largo y, en palabras del presidente dominicano, « este equipo de represalia y vigilancia servirá para cuidar nuestro territorio y para que el mundo sepa que la solución al problema de Haití es obra colectiva de la comunidad internacional y no sólo de la República Dominicana« .

Por el momento, el Estado dominicano se limita a cazar, maltratar y perseguir sin descanso a los migrantes haitianos para cumplir con la voluntad de Estados Unidos de frenar el flujo de migrantes haitianos. Esta crisis también puede proporcionarles un medio potencial de presión sobre otros Estados caribeños tentados de seguir los ejemplos de Brasil, Chile y Colombia. También les da derecho a soñar con añadir una nueva estrella a su bandera después de Puerto Rico.

Todo ello es coherente con el deseo de añadir un componente humanitario a su doctrina militar, aunque ello signifique desafiar el derecho internacional y el derecho internacional humanitario. A pesar de estos peligros, las Naciones Unidas, a pesar de sus objetivos totalmente opuestos, no parecen capaces de oponerse a este proyecto asesino. Prueba, por si hiciera falta alguna, de que es urgente reformar esta institución internacional que sólo sirve a los intereses de los dominantes.

Mientras tanto, el valiente pueblo haitiano, que lucha por su soberanía, se ahoga bajo las crisis estructurales. La colonialidad del poder y la colonialidad del Estado siguen expresándose en un país que fue el primero en fundar una república negra.

¿Se castiga inconscientemente a Haití por este insulto a la supremacía blanca? Uno tiene todo el derecho a preguntarse por qué los principios fundadores de la Carta de la ONU son prácticamente inaplicables allí. Es importante recordar que todo esto está ocurriendo durante el Decenio Internacional para los Afrodescendientes lanzado en 2015 por la comunidad internacional para combatir el racismo estructural.

Por eso resulta tan desconcertante el casi silencio de afrodescendientes y africanos respecto a la situación en Haití; ¿acaso el país ya ha cruzado al otro lado de la realidad a nuestros ojos? Sin embargo, está claro que lo que les ocurre a los haitianos dice algo de los africanos y los afrodescendientes. Del mismo modo que la independencia africana, conquistada con sangre y lágrimas, está siendo pisoteada por el sistema financiero liberal y las empresas transnacionales. También subraya el hecho de que el racismo estructural sigue presente en todos los intersticios de un sistema que niega constantemente la dignidad de los africanos y afrodescendientes.

Tal constatación nos obliga, si queremos abolir el paradigma de la dominación blanca, a enfrentarnos juntos a ese mismo racismo estructural. En el caso de Haití, esto significa exigir reparaciones y la devolución del dinero de la deuda colonial y del oro robado por los estadounidenses en 1914. Es la lucha común contra la colonialidad del derecho internacional y nacional. Están en juego la dignidad de millones de personas y la soberanía de muchos Estados.

Mireille Fanon Mendes France, Copresidenta de la Fundación Frantz Fanon, Martinica/Francia

Boubacar Boris Diop, escritor, Senegal

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