Moussa TCHANGARI est membre de la Fondation Frantz Fanon et directeur d’Alternatives Niger
Au Mali, la France a pris encore une nouvelle claque, avec le renvoi de l’ambassadeur du pays ; et celle-ci a réveillé, pour une fois, le cercle des politiques français engagés dans la course à la présidence. La plupart des candidats déclarés à l’élection de mai prochain, notamment Jean Luc Mélenchon, Marine Lepen, Eric Zemmour et d’autres, ont réagi à cette claque; ils sont tous choqués, apparemment au même degré, par le renvoi de l’ambassadeur de la France au Mali, ressenti comme une humiliation infligée à leur pays.
Au cours des prochains jours, il faut donc s’attendre à ce que la crise diplomatique opposant les autorités maliennes à celles de la France soit au coeur de la campagne pour la présidentielle française; car, désormais, il est difficile pour l’élite politique française d’ignorer qu’au Sahel se joue le sort même de ce qui reste de cet « empire qui refuse de mourrir ». Le mérite de ce réveil brutal de la classe politique française revient aux militaires maliens, voués aux gémonies et insultés à chaque sortie médiatique du sieur Jean-Yves Ledrian; et il faut admettre que cette claque diplomatique était le coup qui avait manqué pour qu’enfin, tout ce beau monde se rende à l’évidence : l’échec retentissant de Barkhane au Sahel.
A présent, la France n’a plus d’autres choix que de plier armes et bagages; après avoir réussi, fort brillamment, à créer partout les conditions d’une prise de pouvoir par les militaires locaux. Les forces qu’elle a soutenues, qu’il s’agisse des indépendantistes du Nord Malien ou des politiciens locaux avec lesquels elle s’est toujours entendue, sont désormais en sérieuses difficultés; elle ne peut plus voler à leur secours qu’en prenant le risque d’accentuer le sentiment populaire de rejet dont elle fait déjà l’objet. Le piège sahélien s’est donc refermé sur elle; et on peut dire qu’elle s’est vaincue elle-même.
Moussa Tchangari