Après un été marqué par le soulèvement de la jeunesse racisée des banlieues françaises, qui s’est soldé par des centaines de condamnations à de la prison ferme, diagnostiqué par le président de la République comme la marque d’un « problème d’intégration » avec comme solution «la réduction significative de l’immigration », le gouvernement continue sa politique coloniale de discrimination raciale, en persécutant les minorités invisibles et silencées et particulièrement leurs enfants ; ainsi le ministre de l’Education nationale vient de décider l’interdiction du port d’Abaya et du Qamis dans le cadre de l’école.
Il est inutile d’entrer dans les ridicules, infinis et indignes débats sur la nature religieuse ou non du port d’un vêtement.
Les lois concernant l’expression et l’organisation de l’islam en France, de la loi 2004-228 (mars 2004) contre le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse à l’école -était particulièrement visé le Hijab- en passant par la Loi confortant le respect des principes de la République dite loi Séparatisme (août 2021) participent, toutes, de la longue dérive identitaire des politiques françaises et de leur peur fantasmée de perdre l’identité d’une République, qui, il y a plus de cinquante ans, a mené bataille, entre autres en Algérie pour que les femmes se dévoilent au nom des fameux principes d’une République qui, lors de ses guerres coloniales, a tué, violé, torturé, pillé et dépossédé le colonisé de sa dignité en le réduisant à un statut de Non Être.
Que signifie cette mise au pas d’un Etat qui aliène l’ensemble des libertés, réduit la liberté de penser, ment effrontément sur les politiques publiques et méprise au plus haut point les personnes racisées et précarisées au point que les responsables de violences policières sont, dans la grande majorité des cas, lavés de toute responsabilité. Rien n’a changé depuis que ce pays était un pays esclavagiste et colonisateur : on récompense les criminels, il reste aux victimes de prouver qu’elles sont dignes de réparations.
Cette succession de lois et décrets visant une partie de la population française confirme que la République n’en a toujours pas terminé avec la colonialité du pouvoir dictant et édictant des principes en contradiction avec ce que devrait être une République démocratique.
Chaque nouvelle loi participe, à son échelle, à l’extension d’un régime faisant chaque jour un peu plus des musulmans un corps d’exception au sein de la société française, soumis à toutes les formes de racisme institutionnel, d’arbitraire et de violences au nom d’une lutte civilisationnelle qui n’ose avouer sa raison d’être: le maintien de la suprématie blanche sur les populations issues de l’immigration post-coloniale, considérées à la fois comme subalternes comme une menace et surtout traitées comme telles. Dès lors, rien d’étonnant à ce que le Conseil constitutionnel considère que le port de l’abaya relève d’« une manifestation ostensible d’appartenance religieuse » confortant la loi de 2004. Rien d’étonnant non plus à ce que cette institution véhicule les impensés racistes d’un Etat colonial refusant de regarder et d’assumer son passé esclavagiste, colonial et prédateur.
La Fondation Frantz Fanon dénonce ces mesures d’exception touchant les personnes de religion musulmane, dénonce une fois encore le racisme institutionnel et structurel continuant à hiérarchiser la population française, dénonce la façon dont la République traite les enfants de tous ceux qui se sont battus pour la France et l’ont reconstruite et aujourd’hui la repeuple.
Elle s’insurge contre la façon dont le pouvoir utilise la colonialité de la connaissance pour produire des rapports de domination dont les paradigmes sont les mêmes que ceux utilisés lors des guerres coloniales. Dès lors elle soutiendra toutes initiatives visant à obtenir la suspension de ces mesures racistes, et précisément islamophobes, attentatoires aux libertés fondamentales de la jeunesse musulmane, noire et arabe, et exprime tout son soutien aux familles.
Fondation Frantz Fanon