À nos amis italiens

Chers amis italiens,
Chères amies italiennes,

Depuis plusieurs jours, nous assistons à la situation dramatique face à laquelle vous êtes confrontés; nous faisions le dos rond. Il est bien connu que la majorité des Français, dans leur morgue habituelle, ont tendance à vouloir croire que ce qui arrive aux autres, au-delà des frontières, leur sera épargné.

Nous avons l’exemple du nuage de Tchernobyl supposé ne pas franchir les Alpes… Nous avons maintenant celui de l’ancienne ministre de la santé, Agnès Buzyn, affirmant que ce virus ne quitterait pas la province du Hubei ?

Nous sommes aujourd’hui tous touchés –voilà qu’enfin l’avatar de la mondialisation qu’ils prétendaient heureuse et libératrice, montre un autre de ses nombreux aspects mortifères-. Pour une fois le mot ‘universel’ prend malheureusement tout son sens.

Pendant 3 semaines, nous avons appris, impuissants et consternés, que le virus s’infiltrait dans les moindres recoins de votre vie. De l’autre côté des Alpes, les chiffres nous donnaient le vertige.

Puis un matin, le peuple italien, frappé dans son dynamisme, s’est tu, abasourdi par ce virus invisible qui se propageait de manière exponentielle. Les rues se sont vidées. Vous avez accepté le confinement et l’avez appliqué à la lettre.

Certains en France pestaient -c’était même plus que cela- de voir ceux qui nous gouvernent laisser votre pays se débattre seul ; le geste de solidarité a tardé et a été effectué avec parcimonie. Nous pestions qu’il n’applique pas en France les mêmes décisions de confinement : nous savions que notre tour viendrait. Il ne s’agit pas de penser que le virus puisse choisir d’autres possibles narratifs que ceux qui sont inscrits dans son génome. C’est faire preuve de naïveté, voire plus…

Nous hurlions notre désapprobation et nous criions contre leur arrogance et égocentrisme pour tenter de déciller leurs yeux. Et chaque jour, dans votre pays, le nombre de cas s’allonge, encore et encore… Et certains gouvernements attendent, prennent des options terribles…

Un matin l’Italie a chanté, a chanté, et sur des balcons exigus, a dansé et s’est accompagné d’improbables instruments.

Chers amis de l’Italie,
Chères amies de l’Italie,
Merci infiniment pour ce moment de bonheur.
Merci pour ce partage
Merci pour le souffle de vie et le refus de se laisser enfermer dans une hystérisation mortifère.
Merci au ténor de Florence entonnant Nessum Dorma
Merci pour l’heure de l’espoir.

L’Italie s’est mise à chanter, alors que les pays composant la communauté européenne, la laissaient se débattre seule. Une confirmation de ce que nous dénoncions, côte à côte, lors des nombreuses manifestations européennes contre la constitution européenne.

Demain, nous serons ensemble pour dénoncer la façon dont l’Union européenne, et particulièrement la commission européenne, a géré cette crise sanitaire, sociale, économique et politique.

Demain, nous marcherons dans les rues, demain nous nous retrouverons pour penser l’alternative à ce monde colonial, colonialiste, capitaliste, libéral, policier et militarisé. Demain nous les mettrons face à leur irresponsabilité dans ce qu’est la défaite d’un système en termes de santé publique.

Demain, nos amitiés, jamais égarées, se noieront dans de longues embrassades.

Chers amis de l’Italie,
Chères amies de l’Italie,
Nous devons aussi inclure tous nos amis du monde qui marchent avec nous et qui luttent pour un monde décolonial dans lequel les Humains sont un cadeau et non un fardeau.

Prenez soin de vous, prenons soin de nous. Retrouvons nous vite.

Mireille Fanon Mendes France
Fondation Frantz Fanon

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