Un « État de la Diaspora Africaine », énième enfumade autour du Panafricanisme

A l’initiative de la Fondation Frantz Fanon, voici un appel d’organisations (Ligue Panafricaine-UMOJA, Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires-FUIQP) pour dénoncer la mise en place d’un Etat de la diaspora d’ascendance africaine initié de manière unilatérale et au nom d’un panafricanisme dévoyé ;  il s’agit d’un véritable coup d’état commis par Louis Georges Tin, auto proclamé premier ministre, qui a décidé de disposer à sa guise de millions et de millions d’Afro-descendants et d’Africains, en s’appuyant sur des entités multinationales et transnationales. De facto, il se comporte de la même façon que ceux qui avaient colonisé le continent africain. Il s’appuie sur le groupe GRAALEO, incluant de nombreuses banques qui mènent campagne pour une monnaie de type bitcoin avec l’objectif  « de devenir une entité privée universelle » afin de « structurer et de donner sens à la data financière(…) » en Afrique, ce qui est bien éloigné des objectifs du panafricanisme visant à l’émancipation et à l’unité africaine.

En juillet 2018, au Sommet de l’Union Africaine à Nouakchott en Mauritanie, M. Louis-George Tin a distribué un document annonçant la création d’un « Etat de la diaspora africaine » dont il s’est auto-proclamé « Premier ministre ». M. Tin expliqua que le président mauritanien, Abdel Aziz, alors président en exercice sortant de l’UA, lui avait donné mandat pour installer les institutions permettant de donner un cadre concret à la Diaspora reconnue comme Sixième Région par l’UA en 2003. Si l’Acte Constitutif de l’Union Africaine encourage la Diaspora à prendre des initiatives, la création d’un tel « Etat » au nom de plusieurs centaines de millions de personnes, sans un vote et une résolution claire de l’UA, ne constitue qu’un coup d’état, un acte parfaitement colonial qui ne saurait être confondu avec les efforts menés au nom du panafricanisme.

En toute connaissance de cause, M. Tin a organisé plusieurs « rencontres » pour installer le « Parlement » et le « Gouvernement » de cet « Etat ». Dès janvier 2019, l’UA lui a demandé en vain d’abandonner la dénomination « Etat de la diaspora africaine » en faveur de « 6è me Région d’Afrique ». Une « constitution » originelle a été écrite, puis modifiée de manière unilatérale par M. Tin qui a mis son veto sur la nomination d’un « Vice-Premier-Ministre » ainsi que sur la nouvelle constitution rédigée par les instances de l’UA, sans que les membres de la 6è me Région en soient informés. Cet « Etat de la Diaspora Africaine » avec des députés non-élus et des modifications de constitution réunit toutes les tares anti-démocratiques que nous combattons au niveau des Etats réels. La diaspora africaine ne saurait se reconnaître dans une démarche qui ne représente qu’un seul individu préemptant des millions et des millions d’Afrodescendants.

Nous ne prendrons pas la peine de former une « opposition » qui ne ferait que nourrir les désillusions, les agendas cachés et les querelles d’ego, une lecture rigoureuse du panafricanisme interdit de laisser passer une telle usurpation. Les opinions publiques africaines et afrodescendantes, où qu’elles soient, doivent savoir que cet « Etat de la Diaspora Africaine », dont le lancement est annoncé à Paris ce jeudi 24 octobre, ne représente en rien les valeurs et les intérêts réels de la diaspora africaine, groupe social qui, historiquement, est à l’origine du panafricanisme. Cette initiative opportuniste constitue une enfumade et est la conséquence du désintérêt de l’UA pour la Sixième Région et de la déshérence des Etats africains autour de la Décennie des personnes afrodescendantes (2015-2024).

A l’heure où les vieux et nouveaux impérialismes se battent pour inclure la diaspora dans les nouvelles politiques de prédation en Afrique, au regard de son agenda néolibéral et néocolonial compatible avec une partie de la nouvelle Françafrique, « l’Etat de la diaspora africaine » est à ranger dans le même ensemble que le Conseil présidentiel pour l’Afrique, la Saison AfricaFrance 2020 ou encore la rencontre organisée par l’Elysée en juillet 2019 avec « la diaspora africaine ». Autant d’initiatives qui ne font que renforcer la confusion, la division et l’amalgame pour empêcher le panafricanisme révolutionnaire d’aboutir à un processus d’émancipation et à l’unité de l’Afrique.

Paris, le 22 octobre 2019

Said Bouamama, sociologue, Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires (FUIQP)

Amzat Boukari-Yabara, historien, Ligue Panafricaine – UMOJA

Mireille Fanon Mendès-France, juriste, Fondation Frantz Fanon

Communiqué-_Fanon-Umoja-Fuiqp-sur-Etat-de-la-Diaspora-Africaine-1

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