Article de Moussa Tchangari, membre du bureau de la Fondation Frantz Fanon et d’Alternative Citoyenne Niger sur la résistance des populations du village de Toumour, dans la région de Diffa près de la frontière nigériane, face aux attaques des groupes armés non-étatiques et au projet de « déguerpissement » des autorités du Niger.
A Diffa, la petite localité de Toumour, dont une partie des habitations viennent d’être consumées par un incendie criminel attribué à des éléments de Boko Haram, symbolise, depuis cinq ans, la résistance des communautés à la politique de la terre brûlée des groupes armés non étatiques et des autorités qu’ils disent vouloir combattre. Cette localité est pratiquement l’une des rares du département de Bosso à n’avoir pas plié bagages ; et ce, malgré les nombreuses attaques dont elle a été la cible à la barbe et au nez des forces de défense et de sécurité nigériennes qui y disposent d’une base.
A Diffa, le 9 décembre dernier seulement, à l’heure de la pause du colloque international qui s’y tenait, nous parlions, avec le chef de groupement de Toumour, l’honorable Mani Orthe, de cette remarquable résistance dont il est l’un des artisans. L’honorable chef se disait déterminé à la poursuivre ; et nous lui avons exprimé toute notre admiration. Cet échange avait été l’occasion pour nous de lui dire ce que nous avons l’habitude de dire à toutes les communautés de la région : » N’abandonnez pas vos localités ; c’est ce que les autorités civiles et militaires attendent de vous. Elles cherchent, depuis des années, le moyen de vous faire partir. Elles vous auraient expulsés depuis deux ans n’eût été le refus poli de la communauté humanitaire de les accompagner ».
En effet, un plan de « déguerpissement » des populations de la zone, concocté par les autorités de la région et avalisé par le gouvernement, est disponible depuis deux ans déjà. Nous en avons pris connaissance grâce à la communauté humanitaire qui, ayant toujours à l’esprit le malheureux précédent de l’évacuation forcée des villages et îles du lac Tchad en 2015, n’a pas voulu s’y associer. Les autorités n’en parlent plus officiellement ; mais, elles ont laissé s’installer une situation d’insécurité qui rend sa réalisation presque irréversible.
A Toumour, nous osons espérer que demain matin, après le décompte macabre des dégâts de l’incendie criminel de ce soir, la résistance se poursuivra et que les populations choisiront de reconstruire ce qui a été détruit plutôt que de partir comme celles de Ngagam. C’est la meilleure façon de mettre en échec non seulement le projet de déguerpissement des autorités nigériennes ; mais aussi, les velléités de Boko Haram de transformer toute la zone en un « No man’s land » d’où il pourrait se projeter vers d’autres.
Solidarité avec les populations de Toumour.
Moussa Tchangari