Littérature – Frantz Fanon : Les damnés de la terre (Essai)

A l’heure où l’on fête le cinquantenaire des indépendances africaines, nous vous proposons la lecture d’un livre fondateur pour toute la jeunesse africaine depuis 50ans. Il n’y a donc aucune nostalgie du passé dans les lignes qui suivent.

 

Publié en novembre 1961, quelques semaines avant la disparition de l’auteur foudroyé à 36 ans par une leucémie, Les Damnés de la terre a été écrit de mai à octobre 1961 par un Frantz FANON militant au sein du FLN (Front de Libération National) algérien dont il aura été l’ambassadeur dans de nombreuses instances internationales. C’est donc un Fanon définitivement engagé dans la lutte qui analyse avec lucidité les luttes coloniales et les premiers pas des états post-coloniaux. On a fait passer ce livre pour le manifeste des tiers-mondistes… Cependant dans ce livre Fanon ne parle que d’Afrique et même lorsqu’il se réfère à son expérience algérienne, il reparle de cette Afrique (nègre) dont il se sent citoyen.

 

La préface du livre est édifiante. Jean-Paul Sartre qui semble avoir compris les colonisés comme aucun intellectuel occidental de son époque, y fait le constat d’échec de la politique coloniale française et prévient les siens que l’Afrique s’énerve, que le Nègre désormais refuse, que le réveil approche et que la violence qu’il a subie va se retourner contre l’oppresseur. Pourtant le livre ne s’adresse pas aux colons. Il s’adresse aux Africains. Il ne s’agit pas de prévenir l’Europe que l’Afrique se relève, mais bel et bien de secouer les Africains pour qu’enfin ils se relèvent. Fanon dit donc aux Africains « chaque génération doit dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir ».

Il dit aussi a ses frères « Allons Camarades, il vaut mieux décider des maintenant de changer de bord. La grande nuit dans laquelle nous fumes plonges, il nous faut la secouer et en sortir […] Quittons cette Europe qui n’en fini pas de parler de l’homme tout en le massacrant partout ou elle le rencontre, a tous les coins de ses propres rues, a tous les coins du monde
[…] Alors, frères, comment ne pas comprendre que nous avons mieux a faire que de suivre cette Europe-la. »

 

Et de finir avec ces mots, écrits en 1961 et qui auraient pu être écrits aujourd’hui :

« Camarades, ne payons pas de tribu a l’Europe en créant des états, des institutions qui s’en inspirent […] Si nous voulons transformer l’Afrique en une nouvelle Europe, alors confions a des Européens les destinées de nos pays. »

 

Voici donc un bouquin qui pose clairement le problème de la construction de nos nations après la colonisation. Il rappelle aussi que l’indépendance n’a pas été donnée aux pays africains mais qu’elle est le fruit de luttes acharnées. Il répond enfin à tous ceux qui prétendent défendre les bienfaits de la colonisation. Ce texte a 50ans et pourtant il reste résolument tourné vers l’avenir.

 

Ce livre est une référence pour la jeunesse africaine qu’elle soit du continent ou de la diaspora. Connaître l’histoire des luttes coloniales ne peut qu’aider à apprécier à leur juste valeur les 50 dernières années d’ « indépendance »…

 

A lire !


Voici le 4ème de couverture proposé par l’éditeur.
« La violence qui a présidé à l’arrangement du monde colonial, qui a rythmé inlassablement la destruction des formes sociales indigènes, démoli sans restrictions les systèmes de références de l’économie, les modes d’apparence, d’habillement, sera revendiquée et assumée par le colonisé au moment où, décidant d’être l’histoire en actes, la masse colonisée s’engouffrera dans les villes interdites. Faire sauter le monde colonial est désormais une image d’action très claire, très compréhensible et pouvant être reprise par chacun des individus constituant le peuple colonisé. » Frantz Fanon.

 

Publié en 1961, à une époque où la violence coloniale se déchaîne avec la guerre d’Algérie, saisi à de nombreuses reprises lors de sa parution aux Editions François Maspero, le livre Les Damnés de la terre, préfacé par Jean-Paul Sartre, a connu un destin exceptionnel.

Il a servi – et sert encore aujourd’hui – d’inspiration et de référence à des générations de militants anticolonialistes.

Son analyse du traumatisme du colonisé dans le cadre du système colonial et son projet utopique d’un tiers monde révolutionnaire porteur d’un  » homme neuf  » restent un grand classique du tiers-mondisme, l’œuvre capitale et le testament politique de Frantz Fanon.

Dans cette nouvelle édition, la préface de Alice Cherki, psychiatre et psychanalyste, auteur du Portrait de Frantz Fanon (Seuil, 2000), et la postface de Mohammed Harbi, combattant de la première heure pour la libération de son pays et historien de l’Algérie contemporaine, auteur de Une vie debout. Mémoires politiques 1945-1962(La Découverte, 2001), restituent l’importance contemporaine de la pensée de Frantz Fanon.

 

par Eclats de civilisations : cultures & trésors dévoilés, mardi 10 août 2010, à 17:02

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