Enrique Dussel In Memoriam

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The Frantz Fanon Foundation is profoundly saddened by the passing of liberation philosopher Enrique D. Dussel, whose work constitutes one of the most impressive and far-reaching philosophical expressions in the world to date. Dussel’s liberation philosophy sought to expose the limits of Eurocentric historical and philosophical perspectives and to open up philosophy to global horizons.

Dussel’s entire corpus focuses on the philosophical relevance of the concrete living conditions and the cries of the poor and the oppressed. While a historian, theologian, and political philosopher, he prioritized the development of a philosophical ethics of liberation that combined an appreciation of the irreducible role of alterity, and the material conditions for the reproduction of life in community. His philosophy called for the responsible response to discriminated and impoverished peoples, for hospitality to the stranger, and for the formation of communities of the oppressed who came together in the spirit of liberation and decolonial revolt.

Dussel’s philosophy has served as a major reference for socio-political projects through Abya Yala, including in Venezuela, where he crossed paths with the Frantz Fanon Foundation. Among his many accolades, in 2009 he won both, the Premio Libertador al Pensamiento Crítico awarded by the Ministerio del Poder Popular para la Cultura of the República Bolivariana de Venezuela, and the Frantz Fanon Lifetime Achievement Prize awarded by the Caribbean Philosophical Association.

It is worth recalling today that Dussel’s attention to “the poor” took place while in Nazareth in 1959. It happened when he was living and working as a carpenter among Arab workers and the Catholic theologian Paul Gauthier. Dussel confesses that, one night, while sharing the history of Latin America with Gauthier and his co-workers, he spoke with enthusiasm about how the conquistador Pizarro vanquished the “Inca empire” with few men. Looking at him, Gauthier asked him, “Who were the poor at that moment, Pizarro or the Indians?” This question unsettled Dussel’s world picture and reoriented his philosophical pursuits and questions. Since then, he started to address the history of Abya Yala and the world from the point of view of the condemned of the earth.

Dussel also referred to his time in Palestine and Israel as fundamental for his exploration and appraisal of the “Semitic ethos.” In 1969 he published El humanismo semita: estructuras intencionales radicales del pueblo de Israel y otros semitas (Semitic humanism: radical intentional structures of the people of Israel and other semites), where he wrote about the role of intersubjectivity in ancient Judaism and Islam.

Dussel’s chronology of Semitic peoples in El humanismo semita goes from the 4th millennium BCE to the 13th century ACE. His work arguably sought to contribute to the decolonization of the idea of the Semitic as much as to the decolonization of world history. On this basis, he described Zionism as an anti-Semitic project and openly denounced what he referred to as a genocidal “hellish hunting of Palestinians” (“infernal cacería de palestinos”).

We greet you Dr. Dussel and honor you and your work in this darkest of times as children are broken into pieces, and as the most powerful states in the world become complicit with massacre and war crimes in a region that was so close to your heart.

May your words and works become seeds that spread far and wide animating an incessant pursuit for the liberation of the poor and the oppressed! 

Frantz Fanon Foundation


Enrique Dussel In Memoriam

La Fondation Frantz Fanon est profondément attristée par la disparition du philosophe de la libération Enrique D. Dussel, dont l’œuvre constitue l’une des expressions philosophiques les plus impressionnantes et les plus ambitieuses au monde à ce jour. La philosophie de la libération de Dussel a cherché à exposer les limites des perspectives historiques et philosophiques eurocentriques et à ouvrir la philosophie à des horizons mondiaux.

L’ensemble du corpus de Dussel se concentre sur la pertinence philosophique des conditions de vie concrètes et des cris des pauvres et des opprimés. Historien, théologien et philosophe politique, il a donné la priorité au développement d’une éthique philosophique de la libération qui combine une appréciation du rôle irréductible de l’altérité et des conditions matérielles pour la reproduction de la vie en communauté. Sa philosophie appelait à une réponse responsable aux peuples discriminés et appauvris, à l’hospitalité envers l’étranger et à la formation de communautés d’opprimés qui se rassemblent dans un esprit de libération et de révolte décoloniale.

La philosophie de Dussel a servi de référence majeure pour les projets sociopolitiques menés en Abya Yala, y compris au Venezuela, où il a croisé le chemin de la Fondation Frantz Fanon. Parmi ses nombreuses distinctions, il a remporté en 2009 le Premio Libertador al Pensamiento Crítico décerné par le Ministerio del Poder Popular para la Cultura de la República Bolivariana de Venezuela et le Frantz Fanon Lifetime Achievement Prize décerné par la Caribbean Philosophical Association.

Il convient de rappeler aujourd’hui que l’attention de Dussel pour les « pauvres » s’est manifestée alors qu’il se trouvait à Nazareth en 1959. Il vivait et travaillait comme charpentier parmi des travailleurs arabes et le théologien catholique Paul Gauthier. Dussel avoue qu’un soir, alors qu’il partageait l’histoire de l’Amérique latine avec Gauthier et ses collègues, il raconta avec enthousiasme comment le conquistador Pizarro avait vaincu « l’empire inca » avec peu d’hommes. En le regardant, Gauthier lui demande : « Qui étaient les pauvres à ce moment-là, Pizarro ou les Indiens ? ». Cette question a bouleversé la vision du monde de Dussel et a réorienté ses recherches et ses questions philosophiques. Dès lors, il a commencé à aborder l’histoire d’Abya Yala et du monde du point de vue des damnés de la terre

Dussel a également fait référence à son séjour en Palestine et en Israël comme étant fondamental pour son exploration et son évaluation de l' »ethos sémite ». En 1969, il publie El humanismo semita : estructuras intencionales radicales del pueblo de Israel y otros semitas (L’humanisme sémitique : structures intentionnelles radicales du peuple d’Israël et d’autres sémites), dans lequel il décrit le rôle de l’intersubjectivité dans le judaïsme et l’islam anciens.

La chronologie des peuples sémites dans El humanismo semita de Dussel va du 4e siècle avant notre ère au 13e siècle de notre ère. On peut dire que son travail visait à contribuer à la décolonisation de l’idée de sémitisme autant qu’à la décolonisation de l’histoire du monde. Sur cette base, il a décrit le sionisme comme un projet antisémite et a ouvertement dénoncé ce qu’il appelait une génocidaire « chasse infernale aux Palestiniens » (« infernal cacería de palestinos »).

Nous vous saluons, Dr. Dussel, et nous vous honorons, vous et votre travail, en ces temps des plus sombres, alors que des enfants sont brisés en morceaux et que les États les plus puissants du monde se rendent complices de massacres et de crimes de guerre dans une région qui vous tenait tant à cœur.
Puissent vos paroles et vos œuvres devenir des graines qui se répandent loin à la ronde, animant une quête incessante pour la libération des pauvres et des opprimés !

Fondation Frantz Fanon

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