SUR LES PROPOS DE TRUMP

Frantz Fanon

​Ouvrons enfin les yeux et cessons de nous tromper de combat

​English version below

Quelques jours après les propos racistes mais surtout racialisants et insultants de Donald Trump à l’égard d’Etats souverains, il faut bien dire qu’il n’y a rien d’étonnant dans ceux-ci. Ils confirment ce que chacun peut attendre d’un président populiste et guidé par l’idéologie de la « White supremacy ». Il va bien falloir que tous ceux qui sont frileux à propos de cette expression commencent à comprendre, s’ils veulent manifester efficacement leur opposition à de tels propos, qu’ils ne peuvent faire l’économie d’une analyse approfondie de ce qui autorise le représentant de l’Etat le plus fort, mais aussi le plus impérialiste, à les proférer.

Dans l’idéologie portée par la suprématie blanche, reste profondément ancrée la conviction d’une race supérieure. C’est devant une telle évidence que la hiérarchie des races fut introduite, et peut importe que cette hiérarchisation ne repose sur aucun caractère scientifique, c’est un fait et cela opère comme par magie. On construit, artificiellement, une nouvelle catégorie sociale et le tour est joué. Des millions d’Africains déportés, déshumanisés et devenus par la décision de quelques blancs une sous catégorie de l’humanité à l’issue des Découvertes, l’une des plus grande catastrophe démographique et métaphysique, qui a changé irréversiblement le sens de l’humanité en brisant l’altérité et l’intersubjectivité dans les relations sociales et dans les expériences vécues des hommes et des femmes.

Les Découvertes ont aussi changé la pensée et la perception de l’Être dans sa relation à lui-même et aux autres, en référant le monde à une centralité portée par l’Europe et non partagée par les peuples des autres continents. Cette idéologie, qui a fondé le capitalisme et ses règles de prédation, n’a jamais été remise en cause et ce qui a été brisé n’a jamais été remis en l’état ; cette dernière, cachée dans les méandres de l’impensé raciste, reste tapie quand le système capitaliste se porte à peu près bien, mais dès qu’il s’essouffle ou commence à baisser de régime, l’impensé surgit, quel qu’en soit le prétexte, dans sa violence primaire et les vampires se réveillent.

Le président américain ne fait que dire tout haut ce que des millions de personnes pensent, même si, dans d’autres régions du monde, un très grand nombre pense le contraire.

Un président le dit, les vannes sont lâchées et les propos les plus abjects sont à attendre, sans bien sûr oublier que toute personne qui prendra la défense des exclus, des marginalisés, en un mot des damnés, sera criminalisée. Le système capitaliste ne connaît pas d’autres façons d’agir : dominer, faire plier sous le joug d’accords et d’obligations iniques et félons sans rien donner en retour et si cela ne suffit pas instiller la guerre permanente comme moyen de contrôle et de régulation.

Bien sûr, il faut affirmer notre solidarité à l’égard des pays pointés par Donald Trump, mais il faudrait surtout que l’ensemble des pays qui sont dans le collimateur des pays occidentaux cessent de répondre aux injonctions des pays dominants et demandent enfin réparations pour les conséquences innombrables assumées par leur peuple et qu’ils cessent d’embrasser, de manière compulsive, cette idéologie portée par la Modernité.

Il s’agit, par les réparations et par la mise en place d’une justice réparatrice, de penser un processus qui remette en état les conséquences dramatiques pour l’humanité des ravages causés par les Découvertes. Il s’agit de reconstruire une humanité humaine si nous voulons que les migrants et les exclus cessent d’êtres, aujourd’hui, les mis en esclavage d’hier, si nous voulons que les personnes d’ascendance africaine et les Africains partout dans le monde cessent d’être les damnés de pays dont l’idéologie n’a jamais défendu que la croyance en une race supérieure. Nous n’avons d’autre responsabilité que de refuser la réification permanente de l’Autre et de combattre le racisme structurel aussi bien au niveau géopolitique qu’au niveau des politiques publiques nationales.

16 janvier 2018

ABOUT TRUMP’S WORDS
​Let’s finally open our eyes and stop deceiving ourselves

A few days after Donald Trump’s racist and, above all, racist and insulting remarks about sovereign states, there is nothing surprising about them. They confirm what anyone can expect from a populist president and guided by the ideology of « White supremacy ». All those who are cautious about this expression will have to begin to understand, if they want to effectively express their opposition to such words, that they can not afford the cost of a thorough analysis of what authorizes the representative of the strongest state, but also the most imperialist, to utter them.

In the ideology carried by white supremacy, the conviction of a superior race remains deeply rooted. It is before such evidence that the hierarchy of races was introduced, and no matter that this ranking is not based on scientific, it is a fact and it works like magic. One artificially builds a new social category, it’s all over. Millions of deported Africans, dehumanized and, by the decision of a few whites, a subcategory of humanity after the discovery, one of the greatest demographic and metaphysical catastrophes, which has irreversibly changed the meaning of the humanity by breaking down otherness and intersubjectivity in social relations and in the lived experiences of men and women.

The Discoveries also changed the thought and perception of Being in his relation to himself and to others, referring the world to a centrality carried by Europe and not shared by the peoples from other continents. Since this ideology, which founded the capitalist and its rules of predation, has never been called into question and that which has been broken has never been put back to its original state, is lurking in the meanders of untought racism, it remains calm when the capitalist system is going well, but as soon as it runs out of steam or turns down, the unthought comes up, whatever the pretext, in its primary violence. and the vampires are waking up.

The American president is just saying aloud what millions of people think, even if, in all regions of the world, a very large niumber think the opposite. A president says it, the valves are released and the most abject remarks are to wait, without forgetting of course that anyone who will defend the excluded, the marginalized, in a word the « damned », will be criminalized. The capitalist system knows no other way of acting. Dominate, bend under the yoke of unfair and felons agreements and obligations without giving anything back, and if that is not enough to instil permanent war as a means of control and regulation.

Of course, we must affirm our solidarity with the countries pointed by Donald Trump, but it should, above all, that all countries that are in the collimator of Western countries stop responding to the injunctions of the dominant countries and finally demand reparations for the innumerable consequences assumed by their people and that they cease to embrace, compulsively, this ideology carried by the Modernity.

This is, by reparation and the installation of restorative justice, to think of a process that rehabilitates the dramatic consequences for humanity of the ravages caused by the Discoveries. It’s about rebuilding a human humanity.

If we want the migrants and the excluded to cease to be, today, the enslaved of yesterday, if we want people of African descent and Africans everywhere to stop being the damned of countries whose ideology has always defended, in a subliminal but also sometimes more visible way, the belief in a superior race, we have no other responsibility than to refuse the permanent reification of the Other and to combat structural racism both at the geopolitical and national public policies level.

January 16, 2018

 

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