La France doit garantir la protection de Josu Urrutikoetxea : pour une défense des négociateurs de paix

Josu Urrutikoetxea Licence CC BY-SA 3.0

La Fondation Frantz Fanon exprime sa solidarité et soutient le combat de notre ami Josu Urrutikoetxea, militant basque injustement accusé d’une « infraction pour association de malfaiteurs à visée terroriste ». Cette criminalisation d’un authentique négociateur de paix est inacceptable.

Appel international 

Josu Urrutikoetxea est une figure déterminante de la sortie du conflit au Pays basque. Dès les années 80, il travaille à la mise en place des discussions d’Alger, avant d’être, en pleine trêve, arrêté le 11 janvier 1989 à Bayonne, quelques jours seulement avant l’ouverture de ces premières tentatives de résolution des hostilités. Élu, à partir de 1998, à deux reprises, député au parlement basque, Josu Urrutikoetxea mène pour le mouvement basque les négociations de Genève de 2005 à 2007 et d’Oslo de 2011 à 2013. Enfin, c’est lui qui annonce depuis le Centre Henry Dunant à Genève l’autodissolution de l’organisation ETA le 3 mai 2018, après qu’a été proclamée la fin de la lutte armée le 20 octobre 2011 et que les armes ont été rendues le 8 avril 2017 à Bayonne, posant ainsi les fondements inédits, de par leur caractère unilatéral, de la résolution du dernier et plus vieux conflit armé d’Europe occidentale. 

Les 19 et 20 et les 21 et 22 octobre, Josu Urrutikoetxea a comparu à Paris pour deux procédures. La première a été renvoyée au 22 et 23 février et la seconde renvoyée à l’instruction et ne sera pas jugée avant le mois de juin 2021. Les faits qui lui sont reprochés dans ces procédures sont une « infraction pour association de malfaiteurs à visée terroriste », alors même que les faits visés par ces poursuites sont en lien direct avec les préparatifs des négociations de Genève, de 2002 à 2005 et la négociation en 2010 de la feuille de route en vue de la résolution de ce conflit dont il est l’un des principaux acteurs. Ce qui le conduira à être présent à Genève en 2005 et 2006 puis à Oslo de 2011 à 2013 pour négocier avec l’État espagnol – et à la demande expresse de ce dernier –, avec le soutien technique du gouvernement français et le protectorat diplomatique des États suisse et norvégien, pays hôtes. 

Pour ces raisons, la situation actuelle de Josu Urrutikoetxea est simplement inacceptable. Continuer à faire de cet homme un prévenu, pire, un accusé, c’est pénaliser un artisan de la paix en cherchant à l’enfermer dans un passé historique marqué par d’intenses antagonismes. Sans oublier bien évidemment les souffrances, les tragédies et les malheurs causés, de part et d’autre, par la violence, le bien précieux vers lequel se porte Josu Urrutikoetxea, et comme lui tous les négociateurs de paix, c’est un temps politique à venir. 

En criminalisant cet homme qui a su, dès les années 80, envisager un horizon pacifié et, par la suite, négocier la paix – y compris au sein de son propre camp –, la France criminalise en effet implicitement tous les négociateurs et in fine remet en cause l’ensemble des processus de paix en cours et à venir de par le monde. Car au-delà de ce cas particulier, un État qui agit de la sorte porte plus généralement atteinte aux normes internationales inhérentes aux processus de résolution des conflits, créant ainsi un dangereux précédent. La criminalisation de celles et de ceux qui travaillent – et ici avec réussite – à la transformation des conflits est une faute éthique et une impasse stratégique. 

Malheureusement, nous le savons, la situation de Josu Urrutikoetxea n’est pas un cas isolé. Depuis quelques mois, nous voyons des offensives néoconservatrices s’affranchir des normes internationales et remettre ainsi en cause plusieurs processus de paix. Que ce soit avec les poursuites judiciaires engagées par l’Inde à l’encontre du négociateur Yasin Malik dans la résolution du conflit au Cachemire, le non-respect par la Colombie des protocoles de sécurité ratifiés par le gouvernement de Juan Manuel Santos, les FARC et l’ELN, dont pourtant les États norvégien et cubain s’étaient portés garants, ou encore, le processus de paix au Kurdistan balayé d’un revers de main par le gouvernement autocratique de la Turquie, les faucons semblent à nouveau jouer contre la volonté des peuples à vivre en paix. 

A l’inverse de ceux qui soumettent la politique à la force, et suite à la mobilisation internationale du printemps dernier qui a contribué à la sortie de prison de Josu Urrutikoetxea, nous réitérons notre indéfectible soutien à toutes celles et ceux qui érigent le dialogue comme moyen de résoudre les conflits et œuvrent avec patience et détermination pour la paix. Et nous rappelons aux États qui entendent jouer un rôle diplomatique au sein du concert des nations leur devoir impérieux d’offrir des garanties juridiques pérennes à celles et ceux qui s’engagent sur la voie difficile du dialogue pour la paix. Il est indispensable qu’en France cet impératif se traduise en acte. 

Pour signer cet appel, merci d’envoyer un mail à Thomas Lacoste thomas@labandepassante.org
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